Elle ne savait plus très bien ce qu'elle avait fait pour arriver ici. Probablement qu'elle ne le saurait plus jamais d'ailleurs. Mais elle était là. Dans cet endroit étrange. La chaleur était plus sèche que celle qu'elle connaissait sur les deux îles qu'elle avait déjà visitées. Quand elle avait reçu cette convocation, elle n'y avait pas cru, mais maintenant qu'elle était au milieu d'une terre aride et sèche, elle se demandait réellement où elle avait atterri. C'était une simulation, pour voir, observer, analyser leur comportement face à des situations auxquelles ils pourraient être confrontés à l'avenir. Ryan avait d'abord cru à une blague, elle qui voulait être une simple mécanicienne, mais au final cet entraînement pouvait être intéressant sur plusieurs points.

Elle n'était pas seule sur le coup. Il y avait avec elle un garçon, Drew. Il était médecin et dans le projet depuis peu. L'autre, c'était Sixtine. Elle aussi était médecin. Elle aussi était là depuis peu. Etait-ce vraiment un tirage au sort ? La jeune Allemande ne savait pas, mais tant pis, ils allaient devoir faire ensemble.

Cachés derrière un rocher, Ryan réfléchissait. on leur avait dit qu'il fallait qu'il traverse un campement ennemi pour atteindre des alliés prisonniers. Après un rapide coup d'oeil, il n'y avait pas de nombreuses cachettes, il faudrait faire vite. Mais y arriveraient-ils avant de se faire canarder comme des lapins ? La jeune mécanicienne soupira avant de se redresser légèrement.

• Bon, on va pas dormir ici, il faut qu'on atteigne l'autre côté du campement sans se faire remarquer. La seule chose à faire, c'est avancer vite et dès que vous sentez qu'on est sur le point de nous voir, on se cache derrière des rochers. Le premier qui fait un bruit, on est cuits, compris ?

Elle était la plus ancienne, elle avait pris naturellement les choses en main. Et aussi et surtout parce que selon ses observations, les deux médecins ressemblaient vraiment à des médecins, cantonnés à leur bureau ou près des blessés. Elle poussa un long soupir, vérifia une dernière fois que personne ne les observait et se prépara à partir.

• Allez les docs, c'est parti !

Et Ryan partit.

Ryan haussa un sourcil. Il l'avait appelée comment l'autre bouffeur de pudding ? S'inquiéter était la meilleure chose à faire dans des situations comme celles-ci. La moindre inattention et c'était fini. Heureusement pour eux, ce n'était là qu'un entraînement.

Suivant son regard, elle fixa le carton, à peine plus grand pour une seule personne. La phrase accompagnant la révélation du carton par Drew la fit éclater de rire.

• Le jour où Angela Merkel ressemblera à une « majesté »... Ici, nous n'avons aucun roi à servir !

Sixtine intervint à son tour. Ryan était tellement surprise de l'entendre qu'elle sursauta au son de sa voix. La jeune mécanicienne fixa de nouveau le carton, puis le groupe, puis le carton, puis le groupe avant de secouer la tête.

• Pour être discrets, non, impossible de rentrer à trois là-dessous. Par contre, on peut envoyer un de nous en éclaireur avant de le rejoindre à la prochaine cachette.

Attrapant le carton, elle s'approcha de Drew pour le lui fourrer sur la tête.

• A vous l'honneur, Herr Großbritannien.

Elle lui donna une grosse tape sur l'épaule avant de l'envoyer dans la gueule du loup.

Et le voilà parti. Avançant tel un bout de carton vivant au milieu de la guerre. Qui sait, peut-être qu'il passerait inaperçu. Ryan l'observait discrètement lorsqu'elle entendit de nouveau coups de feu. Bon sang, mais qu'est-ce qu'ils fabriquaient à tirer comme ça ? Peut-être avaient-ils repéré quelqu'un d'autre sur une autre aile du campement. Ou peut-être étaient-ils vraiment volontaires pour effrayer la petite troupe et les faire sortir de leur cachette.

La jeune mécanicienne attendit que les détonations cessent pour regarder de nouveau son acolyte et découvrit avec la plus grande surprise que celui-ci était resté au beau milieu d'une zone dégagée, à la vue de n'importe qui. Sa main s'abattit sur son visage. Pourquoi avait-elle dit oui encore ? Ah non, c'est vrai, on ne lui avait rien proposé. Elle poussa un profond soupir avant de se lever, vérifiant que la voie était libre avant de courir en direction du carton. Elle s'arrêta à côté, se baissant au maximum pour se cacher un minimum, parlant d'une voix ferme mais discrète.

• Non mais t'es sérieux là ? Tu veux crever ? Tu veux nous faire crever ? Hors de question que tu gâches tout !

Aux grands maux les grands moyens. Elle s'apprêtait à repartir en direction du prochain camion quand elle aperçut le trou sur le devant. Aucune hésitation. Elle planta son index dans le trou et commença à tirer le carton avec elle. Tant pis si le British ne suivait pas, il serait à découvert et l'ennemi lui tirerait dessus comme un canard. Elle allait jusqu'au prochain point pour se cacher : le camion.

Elle n'eut pas le droit de bien s'installer derrière le camion qu'une main lui agrippa le bras, lui mettant les fesses par terre et l'entraînant vers elle. C'était encore cet abruti d'Englisch qui cherchait les embrouilles.

Attendez... Il était en train de lui reprocher ce qu'elle venait de faire ? En invoquant pour cela des faits passés ? Il n'était pas sérieux. C'était une grosse blague. C'était obligé.

• Attends, attends, attends... T'es en train de m'engueuler parce que je t'ai sauvé la vie ? Parce que tu crois que ta connerie de carton en plein milieu du terrain, à découvert, c'était pas louche peut-être ? Estime-toi heureux de pas t'être fait canarder entre temps ! Et ne me parle pas de Blitzkrieg, ton accent est à vomir de un, et de deux, ne me compare jamais, au grand plus jamais à cette époque, tu ne sais PAS ce qu'il s'est passé ! Dois-je te rappeler que le Royaume-Uni avait laissé la France dans la merde jusqu'à ce que ça touche leur petit protégé ? Tu crois que c'est héroïque ça, de venir en aide uniquement quand ça touche les intérêts ? Alors tes conseils de guerre, tu les gardes pour ta Majesty et tu me fais pas chier avec ! Les médecins devraient rester à leur place au fond des lignes plutôt que de vouloir jouer les Rumbo à deux euros vingt !

Elle avait été gentille encore là. Elle était sur le point d'en rajouter une couche quand elle entendit une voix leur parler. En tournant son regard, elle s'aperçut que c'était la troisième acolyte qui avait enfin retrouvé l'usage de la parole. La brunette n'eut pas le temps de réagir qu'un coup de feu parti. Instinctivement, ses yeux se fermèrent. Elle redoutait la douleur et la perte de sang. Pourtant, elle ne sentait rien. Quand elle rouvrit les yeux, Sixtine avait disparu. Elle avait sûrement été touchée mortellement par le coup de feu. Ryan ne perdit pas de temps et attrapa Drew par le bras pour l'entraîner à sa suite vers le prochain camion. Une fois de nouveau cachée, elle reprit.

• T'es content de toi j'espère ? A cause de tes conneries, on a perdu un membre de l'équipe ! En situation réelle, elle serait morte. MORTE ! M-O-R-T-E ! Tu comprends ce que je dis ? Alors arrête d'agir comme un débile ou ça sera nous les prochains !

Moment de remontage de bretelles, c'était entièrement la faute du médic de toute façon.