Juste un peu. Le temps de souffler et de profiter, de se sentir en vie ne serait-ce qu'un bref instant. Car depuis peu, on le considère comme mort. Ou presque mort. On le regarde avec pitié et ça l'irrite. En quoi fait-il pitié ? Il n'est pas handicapé, il n'est pas dans l'incapacité de bouger, il peut toujours tenir une arme et foutre une droite à quelqu'un. Enfin ... Une gauche, plutôt.
Lui qui est droitier, perdre sa main dominante est loin, très loin d'être avantageux. Pour l'instant, il n'est qu'en temps de convalescence et cache son membre perdu par un blouson. Mais lorsqu'il se trouve en face d'une connaissance et se retrouve dans l'obligation d'ôté son vêtement ... Merde quoi.
« C'est bon, rhabille-toi. » Pas besoin d'aller plus loin, ça se sentait que trop bien. « Sérieux, remballe ta pitié, si tu voulais pas, fallait le dire. »
Ça se sentait qu'un amputé la dérangeait. Dire que cela fait presque trois ans qu'il se permettait de la toucher comme ça et plus encore, voilà qu'il est dans l'obligation de reculer pour ne pas l'effrayer. Reste là, sur cette chaise et attend qu'elle s'éloigne assez pour pouvoir partir. Bête de foire va.
Le retour du soldat. Son appartement qu'elle avait occupé deux mois avant de l'abandonner les deux suivants ne lui avait jamais semblé aussi accueillant. Elle avait vu des choses plus ou moins choquantes pendant ses deux mois de mission. Des blessés d'un conflit antérieur, des blessés d'entraînement qui n'avaient pas eu de chance - elle-même avait failli y laisser un doigt ou deux - mais ce qu'elle avait vu à son retour, sur son île avait été bien plus marquant.
Alors quand elle s'avançait vers lui, c'était hésitant. Pas comme une première, mais plutôt comme une peur de faire mal, de lui faire mal. Avec un bras en moins, il était plus difficile de faire certaines choses, il était donc normal - et pour les rares fois où ça arrivait - qu'elle prenne les devants.
Mais voilà, l'appréhension était palpable et Kael l'avait bien compris. Ou plutôt mal, vu sa réaction. La mécanicienne redressa le regard pour observer son partenaire, un sourcil haussé, mais ne bougea pas.
• Par le passé, je t'ai déjà dit non parfois, il me semble. Alors si je ne dis rien, c'est que je le veux...
Et comme pour lui prouver qu'il avait tort, elle s'approcha de nouveau, tendant la main droite pour effleurer son côté intact, le côté gauche. C'était plus fort qu'elle.
C'était ... Mignon. Sur le coup, il aurait pu en rougir, si seulement la sensation d'être pris par pitié n'était pas présente. Il ne voyait que ça, puisqu'on l'a traité comme tel pendant tout ce temps. Comme un pauvre malheureux sur qui le destin s'est acharné. Encore qu'il ait réussi à cacher ça à Eileen ... Ca aurait été insupportable, sinon. Passons.
« Par le passé, je t'ai déjà dit non parfois, il me semble. Alors si je ne dis rien, c'est que je le veux... » Elle n'avait pas tort et cette remarque t'a fait sourire, cependant ... « Peut-être parce que ... Je t'ai manqué ? »
L'humour narcissique, encore une petite preuve qu'il reste une trace du Kael d'avant. Il se redressa pour mieux s'installer sur la table et attira la jeune femme à moitié dévêtu contre lui, pour mieux poser son front contre le sien.
Bien que cela puisse être étrange, il aimait ça. Juste la peau dénudée d'une jeune femme collé contre son torse et partager ce genre de moment. Comme un animal qui cherche un peu de tendresse, après un moment difficile. Juste ça.
« Je demanderais à ce qu'on me file une prothèse, puisque l'autre couillon en a une, pourquoi pas moi. » On devine facilement de qui il parle. « Un bras mécanique, ça va te déranger ?»
Il a du mal à cracher sur le tapis le pourquoi de son geste, mais ça aurait été comme se mettre à nu et montrer qu'il avait peur de mourir. Triste réalité.
Ryan haussa les épaules avant de sortir un petit sourire en coin qui signalait qu'elle allait taquiner.
• Oh, ne t'en fais pas, j'ai eu de quoi m'occuper pendant deux mois.
Elle se laissa faire, le laissant l'approcher de lui. Elle était de mauvaise foi, elle n'allait pas avouer qu'il lui avait un petit peu manqué quand même. En même temps, depuis le temps qu'ils étaient dans cette situation, il fallait s'en douter un peu.
Elle laissa glisser sa main droite sur le flanc gauche de Kael, réfléchissant à ce qu'il était en train de dire. Elle repensait aussi à Archer et à son propre bras bionique. Le petit bijou de technologie qui l'avait tant émerveillé quelques années auparavant.
• Je ne pense pas que ça va me déranger. J'ai déjà vu celui d'Archer et c'est plutôt du bon boulot mais... ça va aller pour toi ? Psychologiquement je veux dire ?
Après la crise qu'il venait de faire, elle pouvait être en droit de se demander s'il allait vraiment bien et s'il se sentait bien. L'acceptance de la disparition puis de la réapparition d'un membre pouvait être longue et difficile. Elle hésita quelques secondes avant de poser une nouvelle question.
« Oh, ne t'en fais pas, j'ai eu de quoi m'occuper pendant deux mois.» C'était moins mignon. « ... T'aurais pu me laisser dans mon illusion, saloperie.»
Ah la tendresse. Il fallait pas s'attendre à voir Kael devenir un bisounours complet. La liberté des gestes ne s'est manifestée que depuis un an et demi, avant ça, c'était même pas un geste affectueux envers celle qui voulait bien partager ses draps, ne serait-ce qu'un court instant. Donc oui, c'était un sacré pas en avant pour lui.
« Je ne pense pas que ça va me déranger. J'ai déjà vu celui d'Archer et c'est plutôt du bon boulot mais... ça va aller pour toi ? Psychologiquement je veux dire ? » Un petit rire s'échappa soudainement, juste pour lui montrer que ce n'était pas bien difficile d'admettre cette perte. « Et Eileen, elle le prend comment ? »
Oh là ... C'était devenu un peu plus tendu, mais il n'osa pas la repousser. Juste, profiter encore plus de sa présence en posant son front contre l'épaule dénudée de la jeune mécanicienne.
L'avouer à une petite fille de sept ans que son paternel est amputé ... Il faudrait écrire un bouquin là-dessus, c'est vraiment pas une chose évidente à faire. Puis dans la foulé, autant lui dire.
« C-Chaque chose en son temps ... Elle doit déjà assimiler le fait que sa mère est morte. » Et c'était pas chose facile ... À toujours lui mentir. « Alors lui dire ... Que le jeune homme qui l'accompagne est son père en plus d'être amputé ... »
Pour Eileen, Kael était seulement un gentil monsieur qui l'a aidé à partir de cette maison trop peuplée et bruyante à son goût, pour mieux l'emmener dans un habitat avec une famille adorable dont le centre n'est autre que la matriarche. Vive la famille Varga.
Ryan était plutôt douée pour briser les fantasmes des gens. Surtout quand ils étaient un peu trop confiants pour penser qu'on pourrait aller à leur encontre.
Le petit rire la fit froncer les sourcils. Elle ne voyait pas en quoi cela pouvait être drôle. Elle n'y connaissait rien en psychologie, mais elle savait mieux que quiconque que parfois, l'esprit devient malade au point de faire faire au corps des choses plus ou moins irréparables. Mais elle ne dit rien. Elle ne voulait pas l'énerver.
Alors elle l'écouta en silence. Cette petite n'avait pas vraiment de chance. Elle ne devait pas vraiment comprendre non plus. Cela arrivait souvent quand on arrivait sur Ep. Par réflexe, Ryan passa sa main sur la tête du combattant. Un geste tendre, à la limite du maternel.
• Ca fait un an qu'elle est là maintenant et elle a sept ans... Elle est en âge de comprendre certaines choses. C'est à peu près à cet âge que j'ai dû expliquer à mes demi-frères pourquoi ils n'avaient pas de mère. Tu pourrais... peut-être avoir une discussion là-dessus avec elle.
Sa voix était hésitante. Elle ne voulait pas le brusquer. Elle n'était pas à sa place, elle ne savait pas ce que cela faisait. Elle n'avait pas grand chose à dire au final, mais ça lui faisait mal de le voir ainsi. Il allait plus se détruire qu'autre chose s'il continuait.
• Tu ne m'as pas dit pourquoi tu avais été amputé...
C'était parti tout seul et en même temps, cela ne faisait pas si longtemps que cela qu'elle était de retour sur le projet.
Pas la peine. Pas la peine de lui rappeler qu'il va devoir faire face à une petite désemparée qui se voit dans l'obligation d'accepter la réalité. Il sait aussi que c'est tout aussi bien comme ça que les adultes devraient agir, mais lui ... Il n'a pas envie de la brusquer, il n'a pas envie d'être adulte. Il n'a pas envie de se sentir responsable de quoique ce soit. Ou d'en rajouter une couche.
« Tu ne m'as pas dit pourquoi tu avais été amputé... » Il regarda son membre manquant et ... Rien. Juste rien. « J'étais piégé et je me suis tranché le bras, c'est tout. »
Pas la peine de tergiverser. Sauf qu'il ne veut pas admettre sa peur de mourir. Ou plus précisément, le fait de ne plus jamais revoir la seule personne qu'il considère comme sa famille, depuis qu'elle est entrée dans sa vie de manière plus présente, il ne pouvait pas se permettre de mourir bêtement. Comme cet imbécile de Niall ... Jamais il n'oubliera le rire qu'il a eu lorsqu'il a apprit ça.
« C'était soit ça, soit je mourrais comme l'autre Fleming là ... » t'façon, il en avait marre de parler. « Mais bon, tu vas me faire encore attendre longtemps ? J'en avais envie, hein ... Je te cache mon bras, s'tu veux.»
Même si elle était chiante, elle n'en demeurait pas moins une femme affreusement séduisante et particulièrement bien foutue. Ca serait mentir de dire le contraire.
Les explications arrivèrent. Pas d'acte héroïque en voulant sauver un bébé chat, pas de bravoure en sauvant un gamin d'un terrible requin. Juste une question de survie. Ryan hocha simplement la tête. Les plus vieilles promos étaient presque toutes au courant de l'histoire de ce rouquin, qui a un frère jumeau toujours sur le projet, il était de la même promotion que Ryan si ses souvenirs étaient bons, mais en armée de terre, qui avait été retrouvé mort après une chute d'une des nombreuses falaises de l'île. Personne ne voulait le dire, mais tout le monde savait qu'il s'agissait d'un suicide. Au final, ce n'était peut-être pas une si mauvaise chose d'avoir agi ainsi.
Le changement brusque de discussion n'était sans la surprendre. Avec ce qu'ils venaient de se dire, il repartait quand même sur le sujet premier de sa venue ici. Laissant échapper un soupir, Ryan leva les yeux au plafond. Les hommes...
•Et après, c'est toi qui es censé m'avoir manqué... On dirait que c'est plutôt l'inverse.
L'humour du jeune homme était plus que douteux, mais elle ne le releva pas. A la place, elle passa simplement son index sur la couture du bas du combattant, légèrement sur la peau. Elle se hissa sur la pointe des pieds pour accéder à son oreille.
• Tu es si pressé que ça que je te domine ?
Un poil taquin, un poil coquin, le ton qu'elle avait employé était le même que bien souvent avec lui. Elle se permit même de déposer ses lèvres sur sa mâchoire.
« Tu es si pressé que ça que je te domine ?» ... Ah ah a- non. « Si je te fous sur la table, c'est moi au-dessus hein. »
Ca se voyait beaucoup trop. Que cette mécanicienne de l'armée de l'air est devenue une habitude chez O'Connel. En quatre ans, c'était évident qu'il s'habitue à la voir quand l'envie y était, que ce soit pour coucher ou autre. Vie de couple ? Ca ne lui a pas effleuré l'esprit. Pour lui, c'était simple. Ils étaient amis et un petit plus avec ça, c'est tout.
« Soit tu me fais taire, soit ... » Et voilà une main bien baladeuse sur le fessier de la jeune femme. « Je te raconte en détail comment ce fut une véritable boucherie à ce moment-là.»
Ça l'a étonné lui-même. Être capable de ça, il fallait vraiment qu'il soit au bord du désespoir pour en arriver à là. Il fallait vraiment qu'il ait envie de vivre pour faire ça. Il peut juste se souvenir de la douleur qu'il a ressenti et à quel point son corps ne voulait plus continuer ... Mais après, il se souvient de rien.
Ryan laissa échapper un petit rire. Il avait de la force, certes, mais avec un seul bras. Elle n'était pas sûre qu'il puisse tenir autant de temps.
• On verra, on verra...
Elle avait ce petit sourire au coin des lèvres. Elle était sur le point d'aller plus loin, glissant ses doigts sur ses flancs, quand le jeune homme lui lança un ultimatum pour le moins surprenant. Le faire taire ou le laisser raconter son "accident". La tentation était grande, pour les deux. Il fallait qu'elle choisisse. Elle tourna son regard vers lui.
• Raconte-moi alors, mais que si tu le veux vraiment. Je ne veux pas te forcer.
Sinon, elle n'insisterait pas et changeait de sujet.
« Raconte-moi alors, mais que si tu le veux vraiment. Je ne veux pas te forcer.» ... Sale chieuse. « T'es chiante, sincèrement. »
Mais il va le faire. Juste le temps de quitter la position confortable et se préparer à se remémorer un instant long et pénible. Ce n'était plus un instant à ce stade, c'était l'enfer. Le choix entre la douleur et vivre ou se laisser-aller et mourir. Si Kael avait fait confiance au système de l'île, alors peut-être que ... Rien.
« Je faisais ma ronde quotidienne dans les alentours de l'île. Puis arrivé à la plage, un éboulement. Peut-être à cause de la pluie, j'sais pas... » Le geste avec sa main valide voulait tout dire ; un poids énormément lourd sur son membre disparu. « Et j'étais coincé. Impossible de me dégager. J'ai attendu, mais je saignais trop ... Puis je sentais que mon bras était broyé.»
Étrangement, cela lui rappelait un vieux documentaire qu'il avait regardé, lorsqu'il était petit. Le loup, coincé dans un piège, a tenté de se dégager de là. Mais rien à faire et attendre que les chasseurs viennent l'achever ... Alors il n'a pas eu le choix ; se dévorer la patte pour mieux s'échapper.
« Il faisait froid, j'avais mal, je saignais. Avant, je me serais laissé crever.» Mais ça, c'était avant. « Mais ... J'ai Eileen désormais et ...»
Quand il a saisi son couteau. Quand il a fermé les yeux. Quand il a donné le premier coup. Puis le second, puis le troisième et continuer ainsi d'une manière frénétique. Les nerfs qui lui disaient stop, l'instinct de survie qui lui conseillait de continuer et l'adrénaline du champ de bataille qui ordonnait d'aller toujours plus fort. Tout ça, remonté d'un coup, ça fait du bien..
Elle n'esquissa qu'un nouveau sourire quand il la traita de chieuse. Il le faisait assez souvent pour qu'elle ne le prenne presque plus au sérieux. Ce n'était pas de sa faute si elle aimait aller à son encontre.
Elle l'écouta attentivement. Un bête accident comme il pouvait s'en passer dans la vie quotidienne et il avait failli y laisser la vie. Ryan ne put réprimer quelques grimaces au fur et à mesure du récit. Elle n'allait pas se mettre à rire non plus, et elle n'était pas assez froide pour la jouer indifférente, rien ne me dégoûte, rien ne me fait peur. Encore moins avec Kael.
Elle n'avait pas coupé la parole au combattant, pour ne pas le vexer, pour le pas l'irriter pour ne pas qu'il s'arrête en plein milieu de son histoire. Il fallait qu'elle entende tout. Jusqu'à la fin. Et quelle fin. Elle regretta un peu sa curiosité malade à cet instant et ne put s'empêcher d'effectuer un mouvement de recul. Sa bouche s'entrouvrit sans qu'un son ne sorte avant de se refermer. Elle déglutit péniblement et prit une profonde inspiration avant de pouvoir retrouver l'usage de la parole.
• Tu... as aimé te trancher le bras ?
Au point où elle en était, autant qu'elle aille plus loin dans les explications glauques.
Il savait. Il savait que cette excitation face au danger allait peu à peu l'amener à perdre toute parcelle d'humanité. Plus le temps passait, plus il en demandait. Il en avait ras le bol de ces entraînements de pédales, il voulait aller sur le terrain, décortiquer, dépecer et se débarrasser de l'ennemi. Dans la vie quotidienne, on l'aurait certainement enfermé et guidé pour canaliser ça. Mais pas ici.
Se lâcher et abandonner toute raison. C'est ça qu'il a aimé. Son corps n'a fait que suivre un seul ordre avant de se laisser complètement aller. C'est pour ça qu'il était réticent lorsque Kaimana a pensé qu'il allait tout arrêter ... Arrêter le seul chemin où il peut exprimer pleinement sa sauvagerie ? Pas question.
« Tu... as aimé te trancher le bras ?» ... « Je vais y aller. »
Pas la peine d'aller plus loin. Ca se voyait qu'il était en train de l'effrayer. Pourquoi t'as reculé, hein ? Ca t'a effrayé, d'entendre ça ? Sans doute. Mais vois-tu Ryan, tes mains sont faites pour maîtriser les machines, les siennes sont faites pour prendre des vies. C'est ainsi.
« T'oblige pas à venir me parler si tu ne veux plus me voir.» T-shirt à enfiler et ensuite la veste. « Je te demanderais de ne rien dire aux autres, par contre.»
Pas envie d'être séparé de ma fille. L'une des rares choses qui arrive encore à maintenir une certaine stabilité dans son esprit. Kael, t'es tout simplement pas né dans la bonne époque. Les gladiateurs sont morts depuis longtemps.
« ... P'tain, c'est ridicule.»
Il avait du mal à enfiler un simple haut. Handicapé va.
Y aller. Partir. C'était ce qu'il avait prévu de faire. Ce n'était pas ce à quoi Ryan s'attendait pour des retrouvailles. Mais pour l'instant, elle assimilait. Son regard fixait Kael, mais son corps ne répondait plus. Ses yeux s'attardèrent enfin sur le membre manquant et elle ne put réprimer une nouvelle grimace. Un bras contre une vie. Le principe de l'échange équivalent était si étrange.
• Je ne dirai rien, stresse pas.
Bien entendu qu'elle ne dirait rien. Elle savait que la moindre chose pouvait tout faire basculer sur ce projet militaire. Elle-même avait failli perdre toute autorisation à une reprise de formation il y avait quelques années. Ici, elle était persuadée que la chose qui serait retirée à Kael, ce ne serait pas sa formation ou son poste militaire, mais bien plus que ça.
La mécanicienne le voyait en difficulté avec son t-shirt. Quelle idée il avait eu d'en mettre un tout bonnement. Une chemise aurait été plus facile pour lui. Une chemise lui aurait permis de partir plus rapidement. Une chemise n'aurait pas laissé le temps à Ryan d'hésiter et de réfléchir. Elle laissa échapper un soupir et passa une main dans ses cheveux.
• Attends, t'énerve pas, je vais t'aider.
C'est ça, Ryan, aide-le en plus de cela. Elle s'avança vers Kael et attrapa le bas du haut. Dernière chance. Dernière réflexion. Nouveau soupir.
• C'est clairement ridicule...
Elle tira sur le haut, mais dans le sens contraire que ce que voulait Kael. Elle le jeta un peu plus loin et passa ses bras autour de sa taille, se retrouvant collée à lui.
• Reste.
Parce qu'elle en avait envie et que c'était purement égoïste.
Eh merde. Voilà qu'elle devenait véritablement peste. Pourquoi s'obstine-t-elle toujours à vouloir maintenir le contrôle ? C'est comme ça que Kael percevait la chose. Il aurait pu se foutre en colère et dégager sans discuter. Mais l'envie n'y était pas. Pour une fois, il voulait simplement se poser et penser à autre chose qu'à se bras coupé et son désir de tout changer.
« Reste.» Ah ouais ? « Alors ne recule pas comme si t'étais devant une abomination. »
C'était la sensation qu'il avait eu lorsqu'elle a reculé. Comme si soudainement, elle avait compris qu'en face de sa personne se trouvait quelqu'un aux besoins de sensations fortes intenses. Et pour le coup, il n'avait rien à dire. Rien à rajouter, juste un simple approche de sa part. Poser son front contre le sien à nouveau. Et attendre.
« ... On fait quoi ?» Pour changer l'ambiance. « Va falloir éviter certains sujets, maintenant ... »
Si c'est pour qu'on se retrouve comme ça à chaque fois ... Allez Ryan, prends les devants. Deviens une femme. Domine l'homme, même amputé, ça reste un homme.
Elle le fixait avec un air con. Il avait raison. Elle avait vraiment donner l'impression qu'il était un monstre. Quelque part, cela lui avait fait un peu peur de l'entendre parler ainsi. Comme s'il aimait se faire du mal et qu'il n'hésiterait pas à se couper une jambe à la moindre occasion. Et pour aller plus loin, pourquoi pas se mettre à couper les membres des personnes qu'il côtoyait, elle en première ligne.
Mais en sentant son front contre le sien, elle sentait qu'il ne comptait pas la découper et la cacher dans une boîte. Elle plongea son regard dans le sien. Que faire à présent ? Une grande question qui méritait une grande réflexion à vrai dire. Elle lâcha le regard du combattant pour se perdre dans ses pensées, ses lèvres s'avançant dans une moue qui faisait penser qu'elle analysait toutes les possibilités.
• Hum... On pourrait faire une partie de Scrabble ! C'est bien le Scrabble, non ?
Dans sa voix, elle avait l'air sérieuse, mais dans ses yeux, c'était tout autre chose. Elle se permit de descendre un de ses mains sur le bas du dos de Kael, la faisant repasser sur son bas-ventre avant de remonter le long de torse et jusqu'à sa joue.
• Ou sinon, on peut reprendre là où on en était. Je n'aime pas trop les choses incomplètes.
Et sans lui laisser le temps de choisir - s'il avait voulu le Scrabble, c'était trop tard à présent -, elle s'empara de ses lèvres. C'était là où ils en étaient.
Humour de merde. Mademoiselle avait dépassé son temps limite. Trop tard, ma petite. Il en avait plus envie. Non, mais sérieusement ; demander des détails sur un événement pareil dans un moment ... Pareil. Il aurait pu lui demander si elle avait ses règles, ça serait la même chose.
« Ou sinon, on peut reprendre là où on en était. Je n'aime pas trop les choses incomplètes.» ... Depuis quand elle décide pour deux ? « Non, mais tu sai- » Trop tard.
Elle savait qu'elle l'avait fait poirauter longtemps. Peut-être qu'il allait la rejeter, mais elle en doutait. Et finalement, elle sut qu'elle avait gagné. Si elle avait pu lire dans les pensées du combattant, elle aurait répliqué qu'elle avait eu bien d'autres entraînements que le sien, mais elle aurait su d'avancer qu'il serait aussitôt parti en claquant la porte.
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