Dans le hall, assise sur une chaise, Kaimana jetait des regards inquiets, à droite et à gauche. Parfois, ses yeux glissaient vers sa montre pour vérifier que le temps n'avait pas filé davantage. Sur ses genoux, se trouvait son sac rempli de divers papiers importants. Une femme passa devant elle, lui adressa un sourire avant de s'installer plus loin. À force de venir à la maternité, la blonde reconnaissait quelques visages. L'endroit était devenu, de plus en plus familier et rassurant. Pourtant, cette fois-ci, elle avait besoin de quelqu'un à ses côtés. D'une voix timide, elle avait demandé à Gabrielle Cooper de l'accompagner. Si cette dernière avait le temps, bien sûr. La rousse avait accepté à sa plus grande joie.

Avec le temps, elle s'habituait à tous les changements et acceptait de demander aux autres d'être présent. Ce n'était pas le seul changement. Ses habitudes vestimentaires des premiers mois, c'est-à-dire piquer les tee-shirts de Wrath, avaient disparu. Elle portait un legging noir et une tunique blanche à manches courtes. Cela restait simple, mais tout de même plus féminin. Doucement, elle étira ses jambes. C'était idiot de stresser autant. Kai en venait à préférer ne pas savoir. Seulement, la surprise totale n'avait pas que du bon.

Tout en se calant contre le dos de la chaise, la blonde esquissa une petite moue qui fit gonfler ses joues. Ses yeux coulèrent vers son ventre. Pourvu qu'elle n'ait pas pris plus de kilos que prévu aussi.

Ces dernières semaines, le regret s'était invité. Comment sa mère avait-elle vécu sa grossesse ? Est-ce qu'elle aurait partagé la sienne ? Kaimana regrettait de ne pas avoir posé davantage de questions. À Hawaii, tout ça lui avait paru loin et sans intérêt. Peut-être était-ce aussi pour cela qu'elle se tournait vers le Major Cooper. Malgré l'absence de lien du sang, elle lui évoquait une figure maternelle dont il fallait s'inspirer. À l'arrivée de cette dernière, un sourire tout aussi chaleureux illumina le visage de la blonde. Doucement, sa tête esquissa un mouvement comme pour dire que ce n'était pas grave.

— Un peu... C'est idiot mais je peux pas m'empêcher de l'être. Je me demande même si je ne vais pas craquer durant l'échographie...

Un rire ponctua sa phrase. Puis discrètement, elle vérifia l'heure. Elles avaient encore le temps de papoter. Tout en frottant la paume de ses mains, elle se montra bien pensive.

— Dîtes Gabrielle, comment avez-vous vécu cette période ? Ça a été plus facile avec Annie ? 

Ce n'est pas idiot du tout ! C'est même tout à fait normal ! J'aurais justement eu peur si tu m'avais dit que tout allait bien.

Gabrielle fixa la chaise à côté de Kaimana avant de s'y asseoir. L'échographie au 5ème mois était une échographie importante. Elles étaient toutes importantes, mais celle-ci avait un petit plus, pour Gabrielle en tout cas. L'Irlandaise ne lâchait pas la future maman du regard, s'attardant un peu sur le ventre qui s'arrondissait un peu plus chaque jour.

La rousse ne fut pas surprise d'entendre la blonde lui posait des questions sur sa propre expérience. A sa place aussi, elle aurait fait cela, surtout quand il s'agissait d'un premier enfant.

Non, ça n'a pas été plus facile avec Annie. En plus, elle était assez maligne pour cacher des parties de son corps, donc les médecins avaient toujours peur qu'elle ait des soucis de développement. Mais je doute que ça soit plus facile, peu importe le nombre d'enfants. Ils sont tous différents et ce n'est pas parce qu'on en a déjà un en bonne santé que les autres vont faire de même. Mais il n'y a aucune raison que ça se passe mal.

Gabrielle soupira. Elle se remémorait sa deuxième grossesse, la plus terrible à vrai dire. Mais elle gardait le sourire.

J'étais dans ton cas à l'époque aussi. Simon était en mission, il n'est revenu que pour mon 7ème et 8ème mois avant de repartir juste avant la naissance d'Annie. Ce n'était pas facile sans son appui, mais je m'en suis quand même sortie et regarde Annie aujourd'hui ! Le tout est d'être toujours entourée, par d'autres femmes enceintes, par des mères ou simplement par des amies. Tu as déjà rencontré d'autres personnes ? Normalement, c'est assez facile ici.

Elle avait envie de regarder son téléphone, même si elle savait qu'elle n'y verrait rien vu qu'il n'avait pas sonné. Un nouveau regard aux alentours et elle était de nouveau sur Kaimana avec le sourire.

En plus, il y a peut-être une chance que tu saches le sexe ! Tu as une préférence ?

Assez maligne. Annie avait montré assez tôt son côté facétieux, hein. Un petit rire lui échappa à cette pensée. En tout cas, heureusement que tout s'était bien passé. Discuter un peu l'apaisait et puis Gabrielle avait ce vécu indéniable. L'anecdote sur son défunt mari lui tira une petite moue pensive. Est-ce que ce serait aussi leur cas ? La blonde baissa les yeux vers son ventre. C'était une possibilité à envisager.

—  Oui, j'ai rencontré des femmes qui ont leur premier enfant et puis d'autres, qui ont déjà eu un. Ça m'a aidé à dépasser mes premières angoisses. Même si certaines peurs subsistent. C'est pas comme si on avait réellement parlé  de famille ou prévu cette naissance...

Au final, il y aurait deux personnes de surpris. Le père et le grand-père. L'un comme l'autre devait être loin de s'attendre à ce genre de nouvelles. Toutefois Kaimana balaya cette pensée. Ce ne serait pas à elle de s'occuper de ça, de toute façon. Après tout, c'était son père. Puis à la question, son visage se tourna en direction de Gabrielle.

— Pas vraiment. Juste que si c'est un garçon, j'ai un peu peur qu'il récupère certains traits de caractère du petit Ours et du vieil Ours...

Elle adressa un clin d'oeil espiègle à la rousse. Cette dernière connaissait bien le vieil Ours, son cher voisin. La voix d'une infirmière retentit, d'un coup. Son nom appelé, Kaimana se leva et lança un regard à Gabrielle. Dans la salle d'échographie, tout était déjà prêt. L'obstétricien la salua chaleureusement et plaisanta un peu pour détendre l'atmosphère. Après une brève discussion, la blonde s'allongea, souleva son haut et coula un coup d'oeil inquiet en direction du moniteur. L'écran l'absorbait tellement, qu'elle prêtait à peine attention à la sonde enduite de gel, qui se baladait sur son ventre.

Gabrielle écoutait attentivement Kaimana. Il était vrai qu'elle était encore jeune et surtout encore en formation. L'Irlandaise avait eu "la chance" de commencer sa première grossesse après 6 ans de service à Ep-1. Mais les peurs étaient souvent les mêmes.

Serai-je à la hauteur ? Sera-t-il à la hauteur ? N'est-ce pas un peu tôt ? N'est-ce pas un peu trop dangereux ?

Elle récitait les questions qu'elle s'était elle-même posée à l'époque. Elles ne devaient pas être si différentes que cela. Souriant toujours, la maître-chien regarda droit devant elle, les mains sur les cuisses, bien droite sur sa chaise. Elle se revoyait ici. Pas vraiment à cette chaise, mais ici quand même. C'était il y a si longtemps. Elle finit par regarder Kaimana du coin de l'oeil.

Aussi étrange que cela puisse paraître, nous n'avions pas vraiment parlé famille avec Simon avant que je ne tombe enceinte de Dylan, mon fils, je ne sais plus si je t'en ai parlé. A vrai dire, c'est toujours assez difficile de concevoir l'idée qu'on puisse former une famille dans un environnement militaire. Alors on repousse le plus possible la discussion, jusqu'à ce qu'il soit "trop tard". Mais je suis de ces personnes qui pensent que les choses arrivent pour une raison. Donc si tu es là où tu en es aujourd'hui, c'est que tu es prête... Et que Wrath aussi.

Elle avait laissé un petit silence avant de parler de Wrath. Elle avait encore du mal à se faire à l'idée que Beal allait être grand-père. Ils n'avaient pas tant d'écart d'âge que cela pourtant. Pour la rouquine, elle avait encore le temps. Annie n'était qu'en première année et n'avait que 10 ans. Elle rêvait déjà à voir Beal dans des situations avec son petit-fils ou sa petite-fille. Ces images la firent doucement rire.

Kaimana avait repris la parole. Et ses mots n'étaient pas pour calmer le rire de l'Irlandaise. Elle finit par retrouver un peu de sérieux mais conserva un sourire compatissant.

Dieu sait que je déteste partir défaitiste mais... j'ai bien peur pour toi que tu ne doives supporter un nouvel ours. A moins qu'il ne tienne plus de toi... Et je ne veux même pas imaginer une version oursonne !

Gabrielle avait vite fait le rapprochement des noms de code et savait pertinemment qu'il ne valait mieux pas ébruiter ce secret qui perdurait depuis tant d'années. Peu importe son sexe, la progéniture ne serait pas gâtée au niveau du caractère avec le côté paternel.

On appela Kaimana pour son échographie. La militaire suivit le mouvement sans un mot. Elle se contentait de sourire pour encourager et rassurer la future maman. A présent, elle était entre les mains du spécialiste. Gabrielle fixait l'écran. Le foetus de 5 mois était bien visible, bien que ne ressemblant pas encore au bébé qu'il allait être. Elle avait beau avoir eu un enfant de chaque sexe, elle était bien incapable de dire si le mini truc sur l'écran était une fille ou un garçon.

Il est chou, ce petit bout...

Ses yeux restèrent rivés sur l'écran. Un mélange de sentiments différents la submergeait. La joie, l'étonnement, une certaine sérénité. Elle avait envie de tendre la main et de laisser son index glisser sur l'écran. Étaient-ils vraiment prêts ? Kai n'arrivait pas à le savoir. Ils étaient entourés de gens qui pensaient détenir la vérité, qui balançaient des choses mais qui étaient incapables d'en dire la moitié à un supérieur. Qui avait dit à Wanda Varga qu'avoir un enfant était de l'inconscience ? Personne. Il en allait de même pour Beal Rockefeller. Elle doutait que parmi ceux qui connaissaient le lien de parenté entre Wrath et le Gouverneur, qu'une seule personne ait eu le courage de dire que son fils aurait dû rester en Angleterre. Plus on était haut placé, plus on était tranquille.

Tout en réfléchissant, elle plissa les yeux comme pour mieux décrypter les images. Les positions n'avaient jamais été favorables jusqu'à présent et la blonde avait décidé de ne pas s'acharner avec des questions. Pourtant, là, elle avait envie de savoir. L'homme sourit tranquillement.

— Ce petit se porte bien, dîtes-moi !

Et tout en parlant, il se mit à indiquer les éléments qui lui permettaient d'affirmer ses propos. Le visage de Kaimana se tourna en direction de Gabrielle.

— Et un petit ourson...

Inconsciemment, sa voix se fit plus tendre. Le spécialiste se contenta d'un coup d'oeil étonné avant de retirer la sonde. La consultation se finit avec discussion, recommandations et prise de rendez-vous. Une fois dans le couloir, Kaimana regarda l'échographie qui allait rejoindre les autres dans l'album qu'elle avait commencé. Son regard malicieux vint croiser celui de la rousse.

— C'est étrange... Au fil des mois, j'ai l'impression de me sentir plus forte... Et là, j'ai envie de faire une liste de prénoms, de faire les boutiques et de préparer sa chambre...

Mais pas sans Wrath tout de même ! Sauf pour les habits, peut-être.

La blonde se surprit à avoir davantage envie de sourire. Comme si elle flottait sur un petit nuage pour le moment.

— J'avais commencé à regarder au début mais... choisir sans Wrath, ça me met mal à l'aise. Si je choisis un prénom qui ne lui plait pas, l'enfant pourrait le ressentir, non ? S'il prononce son prénom d'une manière négative, ça pourrait l'affecter...

Peut-être qu'elle pensait trop. Peut-être qu'elle extrapolait. Mais un prénom restait très important et elle préférait un choix commun. C'était aussi bien mieux comme message qu'un implicite manque de dialogue souligné par Si ça avait été moi, tu te serais appelé... . Toutefois, Kaimana était prête à parier que le prénom serait plutôt original. À part Jane, le côté Clayworth-Rockefeller n'avait pas de prénoms vraiment classiques ou courants - sauf peut-être Dehlia pour ceux originaires des pays arabes. Et elle n'était pas vraiment bien placée pour commenter. Enfin elle préférait toujours Kaimana à Sabrina, Brenda ou Shannon. Pas question de l'appeler Wrath ou Beal, non plus. Ils n'étaient pas la famille Bush, tout de même.

Repensant à la proposition de Gabrielle, elle jeta un dernier coup à l'échographie puis la rangea soigneusement.

— Si ça ne vous dérange pas, j'accepte volontiers... D'ailleurs, est-ce que Dylan était une crevette à la naissance ? Ou plutôt un beau bébé ?

Comment ne pas être curieuse, après tout ?

L'intérêt n'était pas de choisir un prénom définitif, mais plutôt de se faire soi-même une liste. Ca permet en même temps de comparer les goûts. Je peux t'assurer que si vous comparez, vous pouvez avoir des surprises plus ou moins agréables. Aujourd'hui, je peux en rire, mais à l'époque... Simon voulait appeler Dylan Eugène et Annie Augustine.

Gabrielle secoua la tête. Simon n'avait jamais été très douée pour trouver des prénoms corrects. Elle ne voulait même imaginer ce qu'il se serait passé s'ils avaient eu un troisième enfant. Instinctivement, la rouquine passa la main sur son propre ventre, se remémorant son propre passé. C'était avec mélancolie et nostalgie qu'elle y repensait. Bien qu'elle ait fait son deuil de ses deux hommes, ils lui manquaient terriblement.

Les paroles de Kaimana la sortirent de ses pensées. Elle lui posait des questions sur Dylan. La maître-chien sourit.

Ca c'est plutôt bien passé avec Dylan, il était assez mignon, même s'il ressemblait à beaucoup de bébés. Mais quand c'est le sien, forcément, c'est le plus beau. Simon aimait crier partout que son fils était un pur "tombeur" qui pourra "chopper" toutes les filles dès la maternelle. Mais je peux te le dire, ce que tu vois sur l'échographie, ce n'est rien par rapport à ce que tu verras le grand jour. Tu verras, ça sera l'un des plus beaux de ta vie.

Eugène et Augustine, l'époux de Gabrielle avait un goût particulier. Kaimana se demanda ce que Wrath pourrait lui réserver. Faire des listes séparées n'était pas une mauvaise idée. Notant cette idée dans un coin de sa tête, elle écouta la suite avant de rire au coup du tombeur.

— Je vois bien quelqu'un d'autre dire la même chose. Ah les lovers des bacs à sable...

Elle poussa un petit soupir amusé. Mais lorsqu'elle s'imaginait l'accouchement, elle se voyait gagâtiser devant leur bébé après avoir bien souffert. Pourtant on lui avait dit de se retirer cette idée de douleur négative de la tête et de se dire que ce serait simplement intense. Cependant, il y avait un autre sujet qui l'intéressait.

— En discutant avec quelques mères, j'ai remarqué aussi que la place de l'enfant peut créer des disputes. Comme les petites amies, compagnes ou épouses s'arrêtent et que l'homme est en mission, un lien encore plus fort se tisse entre la mère et l'enfant. Certaines ont dit que leurs maris leur ont même reproché de pas trouver leur place.

Ses lèvres esquissèrent une petite moue. Sa mère l'avait prévenue, avoir un enfant était s'exposer à des soucis et des interrogations parfois interminables.

— Je me demande s'il n'y a pas un moyen d'éviter, une relation trop fusionnelle...

Gabrielle réfléchit. Elle tentait de se souvenir de ce qu'elle vivait avec Simon à la naissance de Dylan. Certes, cela avait été différent avec l'arrivée du bébé. C'était il y a si longtemps et elle avait vécu tellement de choses.

Je ne me souviens pas de disputes. Pas des trop violentes en tout cas. Parfois, parce que j'étais fatiguée et que j'étais seule, je reprochais à Simon de partir en mission. Mais au final, tout s'arrangeait. La bonne idée est de laisser l'homme passait une journée ou deux avec l'enfant, seul. Pour qu'il comprenne le ressenti. C'était assez amusant avec Simon... et surtout très long à ranger par la suite.

Si Simon avait su prouver à Gabrielle qu'il pouvait s'occuper de son fils, il lui avait aussi montré qu'il avait un sérieux souci d'organisation et de rangement. La rouquine soupira en repensant à cette anecdote. Elle passa une main dans sa chevelure avant d'écarquiller les yeux.

Je pense que c'est automatique d'avoir une relation plus fusionnelle entre une mère et son enfant, surtout dans notre situation. Après tout, nos enfants ont plus de chances de se retrouver sans père que sans mère... Mais après, la relation peut évoluer avec le temps. Si tu regardes Annie par exemple, elle veut de plus en plus se prouver qu'elle peut tout faire sans moi alors qu'il y a quatre ans, c'était presque inconcevable, à moins de pouvoir passer du temps avec B-... son oncle.

Gabrielle plongea son regard d'émeraude dans celui de la future mère.

Je sais que c'est compliqué à gérer et tout ça mais... tu te poses vraiment trop de questions. Tu devrais sérieusement te détendre un peu et laisser les choses suivre leur cours. Tout arrivera quand il arrivera et c'est à ce moment que tu pourras te poser les bonnes questions et que tu trouveras les bonnes réponses. Et si tu ne les trouves pas, tu peux demander à tes amies-mères ou alors à la vieille femme que je suis !

Elle avait encore son sourire chaleureux. Elle l'appréciait vraiment bien, cette petite et elle voulait l'aider dans cette épreuve. Qui sait, peut-être se retrouvait-elle en elle.

Les paroles de Gabrielle l'amusaient autant qu'elles lui faisaient peur. Simon et Dylan, ça avait donné deux enfants ensemble. Elle avait comme un pressentiment, là aussi. Kaimana réprima un petit sourire. Les voisins n'avaient pas fini d'entendre une certaine personne crier sur une autre. La blonde écouta le reste en silence. Un détail passa inaperçu et c'était mieux comme ça. Parler la détendait, elle exorcisait ses angoisses sans pour autant toujours trouver de réponses à ses questions. Ils n'étaient pas prêts, mais au fond, est-ce que des gens étaient vraiment prêts à être parents ? Même ceux qui en désiraient profondément ?

La porte du hall franchie, elle leva la tête vers le ciel. Ah les habitudes.

— Gabrielle, est-ce que vous croyez que reprendre ma formation après sa naissance serait trop rapide ? J'y ai bien réfléchi, c'est essentiel pour moi. J'ai des projets, je veux contribuer et me retrouver, quelque part, sur un petit pied d'égalité avec Wrath... Il y a un peu de ma fierté mal placée là-dedans et ça me forcerait à me reposer davantage sur lui...

Ou du moins, elle essaierait. Sa tête se tourna en direction de la rousse. Son regard se fit malicieux. Elle venait de penser à une certaine petite personne.

— Annie n'a que 12 ans, mais je me demande si dans 2 ou 4 ans, elle s'intéressera toujours plus aux explosifs qu'aux garçons...

La rouquine adressa un sourire à la réceptionniste avant de sortir du bâtiment. La femme ferma les yeux à cause du soleil et de la différence de luminosité mais écouta néanmoins la question de Kaimana.

J'ai continué mon métier de maître-chien après la naissance de Dylan, après un arrêt de deux mois il me semble. Mais je ne sais pas si c'est possible pour les élèves en formation... Il faudra que tu demandes à l'administration, ils sont plus compétants que moi pour ça. Mais je te comprends pour cette décision. Rester à la maison tout le temps, on finit par tourner en rond.

C'était pour cela qu'elle avait toujours voulu travailler malgré ses enfants. Que ce soit en maître-chien ou en fleuriste. Gabrielle retrouva Heko à la sortie de l'hôpital. L'animal dressa les oreilles et remua la queue en signe de joie. L'Irlandaise la caressa un peu avant de détacher la laisse du poteau. Heko voulait partir en courant, mais la militaire la retint fermement par la laisse qu'elle n'avait pas retirée de son cou. La maîtresse gronda le chien qui rabattit les oreilles en arrière, comme pour dire qu'elle était désolée. Gabrielle attendit encore quelques secondes avant de retirer la laisse. Heko ne bougea pas.

Connaissant sa généalogie, je ne me fais pas d'illusion... Si elle trouve un garçon qu'elle aime bien, les explosifs seront le cadet de ses soucis...

Gabrielle avait déjà peur de la première relation d'Annie. Elle-même avait commencé à ressentir quelque chose pour Simon très jeune, mais elle n'avait pas ses parents pour la soutenir. Elle voulait être là pour Annie, pour la conseiller et l'aider comme elle aidait actuellement Kaimana... mais pas trop tôt non plus !

La possibilité de tourner en rond était exactement ce qui la dissuadait de rejoindre les rangs des compagnes focalisées sur la vie domestique. De toute façon, elle ne s'était jamais imaginée devenir ce genre de femme. Quitte à devoir affronter des difficultés, elle préférait un autre chemin. Peut-être que le modèle présenté par sa mère et son esprit de compétition y étaient aussi pour quelque chose. Son visage se pencha et Kaimana observa Heko. Le dialogue silencieux entre l'animal et Gabrielle
l'impressionnait. Alors que la suite la fit rire.

— Par contre, peut-être que ce sera explosif entre eux...

Certaines rencontres commençaient en faisant des étincelles, après tout. Rapide coup d'oeil vers le ciel. Faible sourire. Son visage se baissa et elle fouilla dans son sac, pour ensuite regarder la rousse.

— Merci beaucoup en tout cas, Gabrielle ! Votre présence m'a vraiment détendue !

Ses lèvres s'étirèrent dans un large sourire. Lentement, la blonde s'approcha de Heko, lui caressa la tête puis remercia, encore une fois, Gabrielle tout en lui souhaitant une bonne fin de journée et bon courage pour ses cours. Puis elle prit congé. Satanés jambes, elle faisait son possible pour se débarrasser de la douleur, mais ce n'était toujours pas ça.