Rose rouge et rose blanche. La première pour l'amour passionné, la seconde pour l'amour pur. Il n'avait retenu que cela des propos de la fleuriste. Cette dernière l'avait submergé d'informations dont la moitié ne présentait aucun intérêt à ses yeux. Une fois, le bouquet prêt, Finley avait quitté la boutique sous le regard teinté de bienveillance et de curiosité de la vendeuse. Une main dans la poche, l'autre tenant les 15 boutons à peine éclos, l'homme marchait d'un pas lent. De temps en temps, il pliait le bras et admirait les roses savamment agencées en forme de cœur. Le rouquin s'arrêta. Le talon de ses rangers martela le sol comme pour exprimer sa nervosité.

Il hésitait. Finalement, rebrousser chemin était préférable. Passant une main dans ses cheveux, le militaire recula, hésita puis avança à nouveau. Cependant une fois devant les immeubles, toute volonté le quitta. L'homme commença à faire les cent pas. Son manège était interrompu par des soupirs et des arrêts irréguliers devant l'entrée d'un des bâtiments. Au bout d'une dizaine d'allers-retours, Finley se dirigea vers un muret. Il s'y installa et étira ses jambes. Dire qu'il avait usé une de ses permissions pour cette occasion et qu'il se trouvait à deux doigts de se raviser.

Soupir. Coude en appui sur la cuisse, dos recourbé, Finley détailla les quelques passants aux alentours. Leurs coups d'oeil le mettaient à l'aise mais avec un tel bouquet, il ne pouvait en être autrement.

Les préparatifs n'en finissaient pas. Wilhelm avait été obligé de prendre trois jours de congé afin de récupérer de sa dernière mission et il les avait finalement passé à courir à droite à gauche pour régler diverses affaires plus ou moins importantes concernant la cérémonie. Ce n'était pas pour tout de suite mais le cavalier n'en voyait pas le bout. C'est en déambulant dans les rues entre deux objectifs qu'il remarqua l'individu le plus tape à l’œil de la journée. Assis par terre, un énorme bouquet dans les mains, immobile depuis plus de quinze secondes. Pathétique. Il y avait quelques temps de cela, il l'aurait sûrement laissé là. Mais grâce à la dernière grande nouvelle de sa vie, il se sentait d'humeur à aider les cas sociaux malchanceux dans la vie. D'une démarche décidée, il s'avança dans sa direction et s'arrêta pile devant lui, les bras croisés sur le torse.

"Vous allez bien ? Ne vous inquiétez pas, vous n'êtes pas le premier à vous faire plaquer et sûrement pas le dernier. Et puis ce n'est pas bon pour les roses de rester trop longtemps hors de l'eau."

Spontanéité. Ca faisait longtemps qu'il n'avait pas exercé cette discipline. Après tout, ça pouvait être une occasion de s'améliorer dans ce domaine. L'enseignement de Neils ne serait pas vain finalement ! Il faudrait qu'il le revoit pour faire l'étalage de tous ces changements dans sa vie.

C'était amusant de constater à quel point les enfants n'avaient pas toujours le même caractère que leurs parents. Avec Akito, on aurait pu penser que sa fille serait vive, moqueuse et qu'elle causerait des ennuies à ses premières maîtresses quand il serait venu le temps pour elle d'entrer à la maternelle. Mais non, la petite Svetlana était une enfant calme et timide, qui avait d'ailleurs bien du mal à quitter les jupons de ses papas. Le tout s'était aggravé au départ de l'un d'entre eux, il y avait huit mois de cela, pour une autre base d'EP. La petite n'avait pas réellement compris que ses papas n'étaient plus en couple. Qu'elle vivait à présent avec l'un d'entre eux et qu'elle verrait l'autre quand il reviendrait, mais pas avec le premier.

« On y va princesse ? »

La petite donna la main à l'adulte, quittant leur appartement. Elle était assez anxieuse, parce qu'elle savait ce qui l'attendait. Akito et sa fille sortirent tranquillement et l'infirmier avait bien remarqué qu'elle n'était pas rassurée. Il s'arrêta donc et la prit dans ses bras, même si elle était bien assez grande pour marcher toute seule maintenant. La petite s'accrocha à son cou, alors qu'ils arrivaient dehors.

Là, il était temps de se diriger vers la destination finale : L'épicerie. L'enfant était bien trop réservée et il fallait qu'elle commence à apprendre à parler aux inconnus. Avec son père à quelques pas d'elle, bien entendu. Akito et sa fille passèrent devant deux hommes qui semblait discuter, et le Japonais s'arrêta à une dizaine de pas de ces derniers. Il venait d'avoir une idée.

Il posa donc Svetlana à terre, se mettant à sa hauteur pour lui parler.

« On va essayer plus facile. Tu vas aller voir les messieurs là-bas, et demander si ils ont un mouchoir pour toi. »

C'était dans doute moins stressant pour elle, parce qu'elle était proche de là où elle habitait et qu'il y avait moins de monde qu'à l'épicerie. Svetlana hocha timidement la tête avant de se retourner et de se diriger vers les deux grands hommes. Elle s'arrêta à mi-chemin pour regarder son père, mais il ne cèderait pas. Une fois près des deux hommes, elle tapota sur le bras de celui qui était debout. Mais là, rien ne sortit de sa petite bouche.

Spoiler:

Ses yeux clignèrent à la question. Le reste des paroles lui coupa toute envie de répliquer. Se faire plaquer. Finley se demandait, si une mine de raté collait à ses traits. Il n'avait encore rien fait et il avait déjà des airs de perdant. Rien que d'y penser, c'était très déprimant. Dans un soupir, le rouquin redressa son dos. Ce malentendu se devait d'être éclairci.

« Ecoutez monsieur, ce n'est pas ce que vous croyez...  »

L'apparition d'une petite frimousse dans son champ de vision attira son attention. Si bien que son argumentation mourut dans l'oeuf. Il observa les gestes de l'enfant puis regarda l'homme. Il n'y avait aucun air de famille. Aucun air décelable en tout cas. Toutefois cela ne voulait rien dire et l'aura imposante de son interlocuteur pouvait impressionner n'importe quel enfant. Mais n'importe quel enfant ne se montrerait pas aussi familier avec un tel inconnu, non ? Ses sourcils se froncèrent. Non, improbable.

Son expression changea. Moins soucieuse, plus aimable. Son regard bleuté se reporta sur la petite personne. Au moins, Finley en oubliait sa bataille perdue sans être livrée.

« Je crains que votre fille ne réclame votre attention. »

La scène devenait une sorte de pièce théâtrale burlesque. Quiproquo et comique de situation étaient les maître d'ordre de cette rencontre hasardeuse. Wilhelm s’apprêtait à répondre à la petite fille qui était venu le voir lorsque l'autre abandonné social reprit la parole en essayant de se justifier, se méprenant totalement sur les liens entre tous les individus ici présents. Il lui lança un regard hautain avant se se retourner en se penchant vers la petite demoiselle qui l'avait interpellé. Son ton était plus doux qu'à l'accoutumée mais il n'était pas non plus "tendre" ni "paternel" dans ses mimiques. C'était juste la base pour que l'enfant ne prenne pas peur dans l'immédiat. Un rapide coup d’œil dans sa direction lui fit remarquer que quelque chose clochait.

"Bonjour mademoiselle. Tout va bien ? Tu es perdue ? Où sont tes parents ?"

Effectivement, il n'y avait personne qu'il aperçut dans un premier temps. Bien évidemment, c'était dans son angle mort et c'était plus facile de poser les questions selon la procédure. Tout bon militaire se doit de protéger les citoyens, et cela inclue de faire le travail d'un agent de la police municipale s'il n'y en avait pas dans les environs. Il avait juste oublié qu'il n'était pas en uniforme, ce qui pouvait du coup donner un air étrange à ses questions.

Akito était au taquet, prêt à bondir si on faisait du mal à sa fille. Il savait bien que ça avait peu de chances d'arriver, vu la politique du projet, mais c'était sans doute son instinct de père qui le poussait à penser de la sorte. Dans tous les cas, il ne laisserait pas sa fille toute seule si elle ne s'en sortait vraiment pas.

D'ailleurs, Svetlana se retourna quelques secondes pour chercher son père du regard, comme si elle n'avait pas envie de continuer. Comme il n'était pas fort visible du là où les trois énergumènes se trouvaient, elle abandonna l'idée de se réconforter dans son regard, et fixa le sol.

« Je.. Je...Jeeeeeeeeeeeeeeeeeeee » Et là, elle commença à sangloter, même si ce n'était pas beaucoup.

Il en fallut pas plus à Akito pour débarder en trombe, faisant de grandes enjambées pour rejoindre sa fille, qu'il prit directement dans ses bras. La petite eut pour réflexe de s'accrocher au cou de son père et de fourrer sa tête dans son haut. Elle le serrait fort.

« C'EST PAS POSSIBLE CA DE FAIRE PEUR A UNE GAMINE ! » Il cria, oui, parce qu'on avait fait de la peine à son enfant, sur l'instant, il s'en fichait bien des grades et de tout le reste. « Ca va ma puce ? Papa a pas entendu, ils ont dit quoi les messieurs ? » Là, il était clair qu'il ne s'adressait plus aux deux hommes, puisqu'il caressait les cheveux de Svetlana pour la rassurer.

Son regard se durcit, même aucun mot ne filtra. Se plongeant dans un brusque mutisme, Finley se fit spectateur peu convaincu par la performance de l'homme. Certes, il s'était trompé et il reconnaissait sans peine son erreur, ce n'était guère le cas de tout le monde. Des sanglots s'élevèrent et le rouquin se leva. Bientôt un homme les rejoignit avant de prendre l'enfant dans ses bras. Le scientifique se retint de soupirer, à nouveau. Dieu qu'EP-2 lui manquait en cet instant ! Ou peut-être même une mission dans le désert.

«  Monsieur explique-pas-ta-vie-je-la-connais-mieux-que-toi-quand-même souhaiterait-il faire un commentaire ? »

Le sarcasme transpirait dans chaque syllabe. Finley était de cette espèce bien souvent paisible, mais qui n'appréciait guère d'être chatouillée aux mauvais endroits. À cela s'ajoutait ces fleurs dont il ne savait quoi faire. Passant une main dans ses cheveux, il jeta un coup d'oeil au hall d'immeuble. Qu'espérait-il ?

« Excusez-moi... » Une main dans la poche, l'autre tendant le bouquet, son regard bleuté se posa sur l'asiatique. « Pour votre fille... »

Toutes les filles aimaient les fleurs, non ?

La situation commençait à tourner au vinaigre et Wilhelm se serait bien abstenu d'essayer d'aider cet espèce de clochard mal élevé. Quant à l'enfant qui s'était mise à pleurer, attirant le-dit paternel qui beugla sans aucune raison... Wilhelm avait l'impression d'être victime d'une caméra cachée de mauvais goût. Il les regarda à tour de rôle, impassible face aux provocations. Quand l'autre gugusse offrit son bouquet, le commandant jugea que la situation ne le concernait vraiment plus. Il se contenta juste d'éclaircir un point avant de tourner les talons.

"Je suis rassuré de voir que vous surveillez votre fille, monsieur. Je ne faisais que lui demander où vous étiez. Bonne journée."

Il n'adressa même pas la parole à l'autre. Après tout, lui au moins, il ne faisait pas de commentaire inutile pour rabaisser les autres. Au moins, il comprenait pourquoi sa copine l'avait plaqué. Ce genre d'homme insupportable était la honte de la gente masculine. Il enregistra bien le visage de ce spécimen afin d'être sûr de ne pas recroiser sa route. Encore un roux...
Et il commença à partir, blasé.

Svetlana ne voulait pas parler. Elle devait avoir eu trop peur pour s'exprimer tout de suite. Akito connaissait bien sa fille et il savait qu'elle viendrait le voir une ou deux heures plus tard, quand ils seraient seuls et qu'elle aurait tout le temps pour se remettre de ses émotions. Il ne chercha pas à en savoir davantage et se contenta de lui caresser doucement le dos, pour lui montrer qu'il était bien présent et qu'il était là pour elle.

Puis, un bouquet s'annonça, pour elle justement. Au début, Svetlana ne bougea pas et ce fut Akito qui se vit obligé de la décoller de son cou et de son torse pour qu'elle puisse regarder les fleurs. Les yeux encore humides et rougis par sa petite frayeur, l'enfant regarda timidement les fleurs, elles étaient bien jolis.

« Tu peux les prendre. » Le sourire compatissant, c'était presque incroyable quand on le connaissait sans sa fille. La petite prit donc le bouquet avec ses deux mains, il prenait beaucoup de place pour une si petite fille ! « Et on dit ? »

« Me-..Merci monsieur. » Avec une toute petite voix et une grande hésitation au départ.

Pendant ce temps là, l'autre homme avait décidé de partir. Akito ne l'avait pas vraiment écouté et il le regarda simplement s'éloigner. Aucune raison de le retenir et apparemment l'autre homme ne semblait pas en avoir également. L'infirmier fit remonter sa fille sur sa hanche, c'était de moins en moins pratique de la prendre à bras. Elle grandissait ! Bien trop vite selon lui.

« Elles étaient pour quelqu'un en particulier ? L'autre gars ? »

Parce qu'après tout, ce n'était pas impossible que sa fille venait de faire foirer un rendez-vous galant. Et si ça avait vraiment été le cas, Akito ne pouvait qu'être fier d'elle.

Ses prunelles se contentèrent de fixer un point situé derrière l'asiatique. N'avait-il pas dit Papa ? Alors que la petite ressemblait parfaitement à une Caucasienne ? Perplexe, le rouquin se tut face à cet étrange tandem. Soudain, un soupir de soulagement frémit sur ses lèvres. Les raisons étaient diverses mais il lui semblait que ses épaules venaient être libérées de nombreux poids. La petite était aussi tellement adorable que le scientifique en oubliait les moments précédents.

Seulement, le rouquin était pas au bout de ses surprises. Ses yeux s'écarquillèrent à la dernière question. Il n'arrivait pas à décider quelle partie était la plus choquante. Sans compter que l'homme abordait, d'une certaine façon, un sujet bien souvent tabou. D'ailleurs, le premier homme n'avait-il pas mentionné une femme alors que ce dernier parlait, presque, naturellement d'homme ?

« Sûrement pas ! » Suite à ce vif démenti lancé sur un ton presque outré, Finley passa une main dans sa nuque. Son menton indiqua le bâtiment le plus proche signifiant que la personne concernée se trouvait par là. « Mais cela n'a plus vraiment d'importance et cela ne vous dérange pas de mentionner... ce genre de relation devant une enfant ? »

Il avait légèrement appuyé sur ce genre de relation. Son visage bougea doucement. Cette petite l'avait empêché de faire une bêtise et de passer la nuit sur EP-1. D'un certain point de vue, ce n'était pas une mauvaise chose.

« Oh, je suis désolé pour tout à l'heure.. »

Les derniers mots furent bredouillés.

Akito tiqua légèrement à la réponse vive et presque emplie de dégout de son interlocuteur. Ce n'était pas un mal d'être gay et il ne supportait pas qu'on puisse penser ce genre de choses. Il n'écouta presque pas le suite, se retenant de l'insulter à cause de sa fille qui était toujours dans ses bras. Même si la petite avait déjà entendu des insultes, en Anglais et en Japonais ! Avec un père comme Akito, elle ne pouvait pas y échapper éternellement. Mais l'infirmier tenter de se contrôler quand il le pouvait, c'était déjà ça.

« Haruna ? » La petite releva la tête, elle savait bien qu'on s'adressait à elle. « Tu veux bien aller t'asseoir un peu plus loin et compter le nombre de roses ? Il y en a beaucoup, alors prends ton temps. » Il la posa ensuite à terre et l'enfant s'exécuta. Elle n'était pas bien difficile et n'avait pas un caractère enclin à la contradiction.

« Ce genre de relation ? C'est à dire ? J'ai suggéré que vous puissiez offrir des fleurs à quelqu'un que vous auriez pu apprécier. Pas qu'il fallait beaucoup de vaseline pour une première pénétration anale ! » Même s'il était énervé et que ça se sentait dans ses paroles, Alito ne parlait pas fort. Il savait que sa fille n'était pas loin et contrairement à l'autre abruti, il savait de quoi il devait la préserver et à quoi il devait l'ouvrir, justement. « Vous voulez que je fasse de ma fille une personne étroite d'esprit ? Pas de chance, son père est pédé. »

C'était lancé. Il s'en fichait tellement qu'on le juge là dessus ! Il n'allait pas le cacher, il ne l'avait jamais caché.

Le rouquin eut comme un mauvais pressentiment. Il observa l'enfant du nom d'Haruna puis regarda l'homme. Les lèvres entrouvertes, légèrement estomaqué, Finley hésita. Cet inconnu était pour le moins direct. Quelque chose l'intriguait aussi. ''Ma fille'', alors que son interlocuteur était homosexuel. Il y avait deux possibilités mais ce n'était pas ses affaires et ses déductions du jour lui avaient valu plus de problèmes qu'autre chose.

« C'est surtout... surprenant. J'ai connu un autre environnement et je côtoie des personnes avec des idées bien arrêtées. Cela ne veut pas dire que je les partage, bien au contraire mais pour mener une vie tranquille... »

Il fallait parfois savoir se taire. Quand bien même, le scientifique n'était pas des mieux placés pour faire des commentaires. Ou plutôt, il avait appris à ne pas en faire. Son regard se reposa sur Haruna. Peut-être que des enfants élevés ainsi apporteraient plus de tolérances et feraient cesser certaines blagues ou remarques douteuses.

Toutefois Finley ne se sentait pas d'en dire davantage à son sujet. Par contre, il tenait à vérifier un détail. En espérant ne pas se tromper, une fois de plus.

« Seriez-vous civil ? »

« Mentalité de tapette ça ! » Il parla un peu fort, si bien que Svetlana releva la tête en leur direction. La petite savait que son père parlait fort et qu'il le faisait souvent, elle les fixa tout de même, un peu inquiète de savoir si son père allait s'emporter ou se calmer. « C'est pas avec des froussards comme vous que le monde avancera ! Faire comme les autres et pas faire de vagues.. J'plaindrais le monde si tous les héros du passé avaient pensé comme vous ! »

L'infirmier tâtonna les poches de son pantalon. Ses cigarettes, une manie qu'il n'avait pas su arrêter à l'arrivée de la petite et qu'il ne serait jamais capable d'arrêter probablement. Svetlana sourit. Elle savait que quand son père sortait ses cigarettes, c'était pour se calmer. Même si elle ne comprenait pas l'attrait de ce dernier pour une chose aussi nauséabonde. Elle pu reprendre tranquillement le comptage de ses roses... Et le recommencer d'ailleurs.

« Ouais. » Il alluma sa clope et tira la première bouffée. « Civil, pourquoi ? Vous avez une idée toute arrêtée là-dessus aussi ? »

Suite à l'exclamation de l'asiatique, un fin sourire étira ses lèvres. Le rouquin s'abstint de tout commentaire. Il préférait se voir comme indifférent que froussard. Après tout, il était difficile pour un tel être de partir au front.

« Entre nous, cela tombe bien. Je n'avais pas la prétention de rejoindre les héros. »

Au moins, il se montrait honnête. Trop fatiguant, trop contraignant, ressembler à ces héros ne l'intéressait pas. Certains avaient aussi inscrit leur nom dans l'Histoire, d'une manière bien peu louable. L'air ailleurs, il leva la tête vers le ciel. Son visage se baissa en direction de son interlocuteur. Le paquet de cigarettes accrocha son regard. S'il en fumait rarement, l'odeur du tabac ne le dérangeait pas.

« Non. Curiosité. » Ses paupières se baissèrent un peu. Finley hésita. Il pouvait faire sans mais il en avait envie. « Puis-je vous prendre une cigarette ? »

Avec le comportement qu'il avait eu précédemment, il osait soutenir que c'était par simple curiosité ? En tout cas, Akito ne l'avait jamais vu sur l'île, pas assez pour le reconnaître. donc il ne devait pas être un civil. Les propos qu'il avait tenu plus tôt ne faisaient que le confirmer. Donc, ce n'était pas par simple curiosité. Akito connaissait bien les militaires de ce projet, il avait vu comment les gosses étaient formés. Il savait que rien n'était jamais par simple curiosité, que tout devait avoir un but.

L'infirmier retroussa son nez, tirant une nouvelle fois sur sa cigarette. Il n'aimait vraiment pas l'air supérieur que se donnait le rouquin. Un roux en plus ! Il pouvait pas se cacher au lieu d'agir de la sorte ?

« Ouais, une cigarette, mes fringues, ma gosse ! Ca fonctionne pas comme ça ici, c'est pas parce que tu joues au connard que je vais t'obéir mec. Ton grade, je m'en bats les couilles ! » Akito le toisa, bombant légèrement le torse comme s'il devait prouver qu'il était le mâle dominant. Le ton avait été haut à nouveau, assez pour que Svetlana puisse l'entendre. Heureusement qu'elle n'était pas du genre à tout répéter. Pas encore du moins. « Tu peux faire quoi ? Tu vas pas me tabasser non, tu vas juste prendre ton air de con supérieur et dire que ça t’atteint pas. C'est des conneries, tu te pisses dessus. »

Akito dans toute sa splendeur. Il n'aimait pas qu'on le prenne de haut, vraiment pas.

Regret. Celui de ne pas avoir écouté Yiannis. Il appartenait à ces quelques personnes dans le secret et lui avait prédit une succession de problèmes. « Quand tu te rends à son appartement, il t'arrive que des merdes ! ». Une exclamation très vraie. Tout en se promettant d'écouter le Grec la prochaine fois, Finley se massa l'arrête du nez. Il entendait mais n'écoutait pas. Les mots se mélangeaient, s'entrechoquaient se transformant en un bruit de fond insupportable. Le rouquin était sûr que d'une chose ; il n'avait pas envie. De répondre. De rester sur EP-1. L'asiatique pouvait penser ce qu'il voulait, il ne s'en souciait guère.

Les mains dans les poches, le scientifique tourna les talons. L'indifférence était une fuite pour certaines. Un acte de sagesse, pour d'autres. Pour lui, parfois, une manière de conserver son énergie. Déjà suffisamment dépensée inutilement ainsi. Sans se retourner, son pas s'accéléra légèrement.

Plus vite, il reprendrait la navette, mieux, ce serait.

Comme il l'avait provoqué, Akito s'attendait à une réponse musclée. C'était ce qu'il désirait, en fait. Parce qu'il n'aimait pas qu'on le cherche sans que ça se finisse en bagarre, ou au moins, sans pouvoir gueuler sur l'autre et l'énerver.

Là, il n'eut rien de tout ça. L'homme ne répondit même pas à sa provocation et préféra partir. Quelques années auparavant, Akito l'aurait poursuivi et mit une beigne pour qu'il comprenne qu'il n'était pas le patron. Mais il y avait la petite. L'exemple à lui montrer. Même si Akito allait certainement lui apprendre qu'il fallait savoir se défendre dans certaines situations, il ne voulait pas lui inculquer la violence facile. Ca serait pour une autre fois, l'infirmier n'oublierait certainement pas sa petite tronche de roux coincé.

« Haruna ? » Il ne retourna en même temps, voyant que sa fille comptait toujours. Elle leva la tête et vit que son père tendait sa main. Alors elle se leva et alla lui donner. « On rentre, tu auras tout le temps de les compter à la maison. Je t'aiderai si tu veux. »

La petite hocha la tête. Les deux repartirent donc chez eux.