Allez, il avait dû boire déjà 3 verres. Ou peut-être 4. Mais là n'était pas la question. Le blond était de bonne humeur, sans doute même un peu trop. Il avait presque envie d'aimer vraiment tout le monde et de s'envoyer au pays des Bisounours multicolores entrain de gambader dans les champs de tulipes, sur le dos de licornes violettes. Dans la salle de karaoké, l'ambiance se voulait tropicale. Le petit groupe avait probablement massacré toute la sélection reggae, ragga et zouk choisie mais ce n'était pas grave ; ils s'étaient amusés.
Mark présenta ses excuses et sortit, histoire de chercher un peu d'air frais. Être dans le couloir, ça ne l'empêchait pas de se dandiner, en bougeant son bassin. Être dans le couloir était aussi un endroit stratégiquement intéressant. On pouvait voir les arrivants et quand on s'appelait Schneider, rien arrêtait pour crier le nom d'une personne.
« - RYAAAAAAAAN ! »
Mais il ne s'arrêta pas là.
« - Ne détourne pas les yeux, mon cœur ne vois-tu ne bat que pour eux et toute la nuit, je ne vois qu'eux ! Je donnerai ma vie pour être celui pour qui tu réserves toute ta tendresseeeee ! »
Il avait chanté le deuxième couplet de la chanson qu'il venait à peine de massacrer. C'était en français et on disait que le français, c'était classe et romantique. Bien sûr, Mark baragouinait plus qu'autre chose. Après tout, son talent artistique se limitait à la connerie assumée.
Ep-2, quand on était élève sur Ep-1, c'était un peu l'Ibiza des étudiants européens, le Cancún des étudiants américains. C'était ce petit moment de liberté qu'ils avaient et ils en profitaient généralement.
Le karaoké était le meilleur endroit pour délirer lorsqu'on avait envie de plus qu'un simple bar. Ryan était avec des personnes de sa section, comme souvent. Elle riait avec Jenny, une fille de troisième année qui avait toujours rêvé d'apprendre l'allemand et avec qui elle aimait bien dialoguer.
Soudain, son prénom fut prononcé. Enfin, plutôt hurlé. Secrètement, la mécanicienne espérait que ce n'était pas pour elle. Malheureusement, lorsque son regard partit en direction de l'origine de l'appel, l'Allemande dut se rendre à l'évidence : c'était pour elle. Mark Schneider la poursuivait partout où elle allait, ce n'était pas possible.
La brunette tourna la tête, comme pour faire comme si elle n'avait rien entendu - ce qui était assez difficile vu qu'il semblerait que toute la base ait pu apprécier cet appel. C'était sans compter sur la chanson de Schneider. Ca ressemblait à du français, mais Ryan n'en était pas certaine. C'était tellement... pas articulé et incompréhensible. La mécanicienne s'avança vers le blond et abattit sa main sur sa bouche.
• Voilà, c'est mieux quand tu te tais... Tu peux reprendre ta puce électronique ou je sais quoi que t'as mis sur moi pour me suivre partout maintenant ?
Ses sourcils se froncèrent. Non mais oh, elle se prenait pour qui la petite, là ? Le blond essaya de mordre la paume de sa main. Bon, échec. Finalement, Mark éloigna la main de la brune. Pourquoi elle parlait de puce électronique ?
« - Tu sais que ces petits bijoux valent leur pesant d'or, hein ? Pourquoi j'irais la mettre entre les fesses ou sous la peau d'un homo sapiens sans bonne raison ? Accepte ton destin et ça ira mieux, Liebling ! »
Ts, comme s'il avait que ça à faire en plus ! Déjà, il faudrait endormir Ryan pour pouvoir lui faire des choses et à moins de verser des somnifères ou autre dans ses boissons, c'était bien compliqué. Il pouvait toujours la piquer aussi. Mais bon, aucun médic' ne lui fournirait de produit sans s'informer de sa future utilisation. Sauf s'il faisait un deal ou que la personne lui était redevable.
« - Et si vous veniez avec nous au lieu de rester entre vous ? »
Mark pointa la salle de karaoké. Il y avait 3 scientifiques, un médecine et un marine derrière la porte. Un petit groupe 100% masculin qui s'amusait bien et puis, c'était pas drôle de voir ceux d'EP-1 rester ensemble ou entre militaires de leur section.
Ryan grimaça. Schneider avait toujours été particulier, mais tenter de la mordre pour qu'elle retire sa main, c'était vraiment dégueulasse.
• Je sais pas, t'es pervers et t'es pas net, tu pourrais faire ce genre de choses stupides pour le plaisir. Surtout que te connaissant, tu serais capable de tout pour m'avoir auprès de toi...
Réplique, comme d'habitude. Le groupe de l'armée de l'air les regardait interdits. Ils ne savaient pas trop comment réagir, bien qu'ils aient déjà vu Ryan et Mark ensemble par le passé pour la plupart. Ils étaient toujours assez impressionnants à regarder, de par leur façon de se comporter l'un envers l'autre mais aussi dans leur façon de s'adresser la parole. Au final, personne ne savait vraiment où ils en était.
Ryan haussa un sourcil à l'invitation, avant de jeter un regard à ses camarades. La plupart tournèrent la tête pour ne pas avoir de décision à prendre. Certains hochaient positivement, d'autres la secouaient négativement. Ils n'étaient pas sortis de l'auberge. La mécanicienne soupira avant de porter de nouveau son regard vers l'Allemand.
• Ok, on va vous montrer qu'on sait s'amuser sur Ep-1 et vous faire regretter d'avoir choisi une section portée sur les sciences !
La compétition, il n'y avait que ça de vrai. En plus, cela venait d'entraîner les plus réticents de l'armée de l'air.
« - Ou, peut-être, est-ce ton inconscient qui te pousse vers moi... »
Ryan, c'était une chose. Le groupe de l'armée de l'air, une autre. En plus, c'était quoi cette attitude de la part de certains ? Ils ne voulaient pas se mêler à eux. Bandes de snobs ! De quoi avaient-ils peur ? De se prendre un coup de bistouri dans les fesses ? Mark esquissa un sourire peu rassurant. Ah ouais, la brune voulait jouer ça. Même pas peur, Mademoiselle Oberbefehl.
Le blond retroussa ses manches puis ouvrit la porte. Les militaires déjà présents furent d'abord étonnés puis après une petite explication, se réjouirent très vite d'une potentielle concurrence. Le petit groupe se mit d'un côté de la table.
« - On va juste vous défoncer ! »
Toutefois, l'un des hommes attendit et prit la parole. Il y en avait deux qui semblaient très motivés, même prêts à faire n'importe quoi... Les autres étaient dans le brouillard.
« - On s'affronte avec quoi, au fait ? Un karaoké ? L'équipe qui trouve le plus de chansons gagne ? » « - Pas assez de challenge... »
La réplique de l'Allemand tomba directement. Mark scruta Ryan. Il fallait un peu petit quelque chose en plus pour pimenter, tout ça.
• Rêve pas, mon chou, mon inconscient n'est pas aussi maso que toi.
La AA team entra dans la salle des EP-2 team avec une certaine rage de vaincre. Ryan s'installa tout en guettant Mark. Elle attendait le moment où il allait faire son Mark. Parce que forcément, il allait faire son Schneider, sinon c'était qu'il était malade ou alors qu'il était devenu amnésique.
Il fallait trouver THE challenge. Celui qui valait vraiment le coup qu'on se batte. Pas étonnant que Mark refuse le premier défi. Pas étonnant que l'Allemand avait directement tourné la tête vers Ryan. Cette dernière lui lança un sourire sournois. Elle réfléchit un instant.
• Je suis d'accord avec Schneider. Sans récompense, aucun intérêt. Je propose une journée d'esclavagisme pour l'équipe perdante. Ca te rappellera des bons souvenirs... Ah oui et chaque jeu perdu, c'est un verre de bu !
« - Hey hey, ça va pas de balancer des trucs intimes comme ça ? Mais, je suis pour. J'ai bien l'intention de prendre ma revanche. J'ai même une tenue de soubrette, juste, pour toi ! »
Les autres ne montrèrent aucune réticence. Avoir des militaires d'EP-1 comme larbins, ça ne pouvait que plaire. Ils envisageaient déjà toutes sortes de corvées instructives pour leurs collègues. Mark, installé sur le bout du canapé, réfléchit. Le gage était trouvé. Il ne restait plus que les jeux. Le blond se méfiait et préférait éviter tout ce qui incluait la force. Pour un bras de fer, il faudrait l'oublier ! D'un coup, l'Allemand claqua des doigts.
« - Un jeu de mime pour commencer ? Chacun doit mimer un gradé et le faire découvrir à son équipe ? »
Ses yeux bleus se durcirent. Une certaine possibilité venait de le traverser. Il regarda tout le monde avec sérieux.
« - Le premier qui balance reçoit une double pénalité, ok ? »
• Ca m'étonne que tu ne l'aies pas déjà raconté à tout le monde pourtant.
Une tenue de soubrette, hein ? Ryan se retint fortement de rire. Elle l'imaginait déjà en train de la porter et de faire toute sorte de choses. Non, vraiment, c'était là une de ses meilleures idées.
• Oh, c'est gentil d'avoir pensé à moi, je savais que c'était ton fantasme de porter ce genre de tenue pour m'obéir.
Il ne fallait pas rêver, elle n'allait pas le laisser gagner. Hors de question de porter ça, et encore moins pour lui.
Mark avait trouvé un jeu. Le mime. Ryan était pour. Mimer les gradés, c'était le jeu préféré de tout étudiant sur le projet. Et en plus de cela, elle était plutôt douée. La mécanicienne sourit de nouveau avant de se lever.
• Ok, je commence. Les mecs, je compte sur vous !
Elle parlait bien entendu à ses camarades. Elle remonta légèrement son short avant de s'attaquer à son premier mime. Un simple. Elle passa sa main sur son bras gauche, avant d'utiliser ce même bras gauche pour le tendre vers l'avant. C'était un film qu'ils avaient vu ensemble il n'y avait pas si longtemps tous ensemble. La réponse fut immédiate.
• Archer !
Ryan leva les bras en l'air avant de regarder son compatriote. C'était à lui de jouer.
C'était la guerre et il gagnerait. Il ferait des photos puis demanderait un tirage digne d'un 4 par 3, qu'il afficherait dans son salon. Pour le moment, Mark en était loin. Une bonne réponse pour l'équipe d'EP-1. Qu'ils ne se réjouissent pas trop vite ! C'était à leur tour et le blond hésitait. Soit une digne représentante de la gente féminine d'EP-2, soit une autre personne. L'air grave, le blond se leva.
Ses mains passèrent dans ses cheveux, les arrangeant puis il attrapa un micro et le plaça en diagonale devant son œil droit. On connaissait l'imagination de Mark mais surtout sa manière souvent tordue de penser. Au bout d'une petite minute, une réponse timide s'éleva.
« - Rock.. Rockefeller ? »
Mark baissa le manche en se retenant de rouler des yeux. Ah bah quand même ! On aurait dit qu'il essayait de les piéger. Le blond reprit sa place en ronchonnant.
« - Non mais franchement, y avait pas de quoi hésiter... »
Un partout, la partie était pour l'instant serrée. Ils continuèrent le jeu sur plusieurs manches. Parfois, Ep-1 perdait et vidait son verre, parfois, c'était au tour d'Ep-2. Puis ils changèrent de jeu. Encore une fois, c'était serré. Personne ne voulait lâcher. Personne ne voulait perdre. Surtout pas Ryan. Hors de question de porter cette tenue.
Le dernier jeu était un jeu un peu moins chantant. C'était pour départager en réalité. Ils n'avaient pas vraiment les idées claires, mais qu'importe, ils étaient encore assez conscients pour savoir qu'il fallait un ultime point pour déterminer le vainqueur. Pour le perdant de la manche, la punition était terrible : un cercueil. Un mélange de tout ce qu'ils avaient pu boire jusque là. Le jeu ? Un simple bras de fer. Ils n'avaient plus assez d'esprit pour imaginer autre chose. Côté Ep-1, c'était Ryan. Côté Ep-2, c'était Mark. Le match dura deux à trois minutes, plus parce qu'ils n'arrivaient pas à se serrer le poing et basculer le bras que parce qu'ils avaient trop de force. Finalement, le dos de la main du scientifique frappa la table. Ryan se releva brusquemenent, les bras en l'air en criant.
• DANS TA GUEULE, SCHNEIDER ! OUBLIE PAS DE T'EPILER LES JAMBES !
Les autres Ep-1 se joignirent à la fête. Mais bien vite, la mécanicienne attrapa le verre du cercueil et le tendit au looser pour qu'il le boive.
Au fur et à mesure, les participants décidèrent qu'il était temps pour eux de s'effondrer dans leur lit, laissant au final Ryan et Mark seuls dans la pièce. La jeune fille exécuta une petite danse de la victoire.
• Alors, pas trop déçu T'es fatigué, tu veux aller sucer ton pouce dans ton lit ?
L'envie de gagner était forte. Personne ne voulait rendre les armes et Mark faisait partie de ceux-là. Ce n'était même pas pour le gage, mais juste pour dire qu'il avait gagné sur Ryan. Au moins une fois. Malheureusement, le dernier jeu allait sceller le destin d'une des équipes. Comment et pourquoi le blondinet avait fini par participer au bras de fer ? Ses idées n'étaient pas assez claires pour retracer la soirée, mais il avait dû y être poussé par ses coéquipiers. Tout en grognant, il essayait de prendre la main de Ryan, recommençait et au final, le résultat vint plus rapidement que la mise en place du jeu.
Et là, vlam. Le blondinet se contenta de faire la gueule. Ceux d'EP-2 étaient déçus, toutefois la soirée avait été bonne et ils riaient plus qu'autre chose. Mark lança un regard peu convaincu au cercueil, qu'il finit tout de même par boire. Avachi sur le sofa de la salle, l'Allemand fixait le plafond. De temps en temps, il émettait des râlements plaintifs. Il était dépité.
« - Pourquoi ? Tu veux me donner la tétée ? »
Le ton était laconique. Encore perdu. Mais c' était plus la sensation qui lui collait à la peau que les événements de la soirée qui comptait. Levant un bras vers le plafond, l'autre posé sur son torse, il se mit à chanter.
« - Warum bist du nicht bei miiiiiir ? Du weisst, dass ich nichts anderes wiiiillll ! »
Ses bras retombèrent. En plus, il avait chaud, trop chaud. Lentement, il se redressa et fixa Ryan. Son poing s'abattit brusquement sur la table.
« - RYAN » Il fronça les sourcils. Il voulait dire quoi au fait ? « Ich, Mark Clemenz Meinhard Schneider, ich schwöre, ich werde dich schlagen ! »
Ryan claqua sa main sur son visage, désespérée. Même bourré, il était fatiguant avec ses remarques perverses.
• Désolée, ton fantasme ne se réalisera pas.
L'Allemande se laissa tomber, s'affalant sur la banquette, non loin de Mark. Les idées se mélangeaient dans sa tête, mais elle savait à peu près où elle était et ce qu'elle faisait.
Elle fronça les sourcils quand il se mit à chanter. Enfin, chanter était là un bien large concept. En effet, beugler serait sûrement plus approprié. Une chanson des Ätze, un vieux groupe allemand aux paroles aussi constructives qu'un match de foot.
• Pitiéééééééé, tu vas réussir à faire venir la pluie... A L'INTERIEUR DE LA BASE tellement tu chantes faux !
Elle soupira avant de se pencher vers la table à la recherche de fonds de verres. Elle en avait trouvé deux qu'elle laissait couler dans sa bouche. La promesse de Mark la fit pourtant recracher le peu de liquide qu'elle avait sur la table. Elle avait bien entendu ?
Et elle était partie dans un fou-rire incontrôlable. En plusieurs années de connaissance, elle ne l'avait jamais su, mais maintenant qu'elle le savait, elle allait lui pourrir la vie... si elle s'en souvenait. Elle avait du mal à retrouver son souffle, pourtant elle tentait de parler.
• Oje, laisse-moi en-dehors de tes trucs SM !
Souci de traduction, dans un contexte, avec de l'alcool. Schlagen pouvait dire battre dans le sens de gagner contre quelqu'un, comme il pouvait dire frapper quelqu'un, comme avec une ceinture.
Le blond soupira et gonfla les joues. Ça se saurait depuis des lustres, s'il était ascendant barde Panoramix. Et puis lui, au moins, il crachait pas sur les tables. Alors qu'il était prêt à lui dire de lécher la surface, l'exclamation lui tira un air blasé. Espèce de peste ! Et puis elle voulait dire quoi ? Qu'il avait un prénom de vieux ?! Contrarié, Mark se cala dans le canapé. Il faisait clairement la gueule et écoutait à peine, tellement à peine qu'il haussa les épaules puis balança.
« - Arrête, je rêve de t'attacher ! »
Tout à coup, il se tourna, s'avança vers Ryan et posa ses mains sur ses joues. Quelque chose ne collait pas. Ses sourcils se froncèrent tout en dévisageant la brune.
Après ces réflexions successives, le blond se leva tant bien que mal, manqua de s'affaler sur la table – à laquelle, il présenta ses excuses, et tituba au milieu de la salle. Une fois au milieu, il tendit le bras et avec son index, pointa sa compatriote.
« - Ryan ! J'ai un truc super... important à te dire ! »
Il s'arrêta là. Parce qu'il avait déjà oublié la suite. Et c'était pas le gratouillage de cheveux qui l'aiderait à retrouver le fil.
L'attacher, hein ? Ryan pouffa de rire. Mais ça, c'était avant que Mark ne se jette sur elle. Elle avait voulu se défendre, mais son bras avait tout bonnement refusé de lui obéir. Alors elle avait juste soupiré en le laissant faire. De toute façon, que pouvait-il faire ? S'il tentait quelque chose qu'elle ne voulait pas, la mécanicienne l'enverrait voler contre le canapé.
Finalement, Mark ne fit rien. Cela n'étonnait même plus l'Allemande. A la place, il avait un truc super important à lui dire. Oulah, cela semblait presque officiel. La brunette pouffa néanmoins une nouvelle fois.
• La dernière fois que tu as dit ça... Ca a mal fini parce que c'était une connerie...
Elle tenta de se lever, écartant les bras pour trouver un équilibre qui mit du temps à venir. Elle se rapprocha de son compatriote avec un immense sourire, en titubant. Elle passa un bras autour de son cou pour s'appuyer.
• Ouuh, t'as pas grandi depuis que je suis partie... Mais c'est pas ça que je voulais dire... attends...
Elle frappa son front contre l'épaule du concepteur. Qu'est-ce qu'elle voulait dire déjà ?
• Aaaaah oui ! Je voulais dire que... même si t'es un débile... je t'aime bien ! Mais je me demande vraiment comment tu peux avoir des copines...
Une connerie ? N'importe quoi ! Il avait sûrement dit un truc important mais pas pour elle. De toute façon, Mark était dans sa phase où chaque affirmation de Ryan serait réfutée. Comme un gosse prêt à toujours dit non. Les yeux rivés sur la brune, il hésita à faire un pas de côté mais ne bougea pas, bien trop curieux. Quelques minutes après, il regretta de ne pas l'avoir laissé se ramasser par terre. Une de ses mains se leva et vint pincer le nez de sa compatriote.
« - Je me demande bien comment tu peux avoir des copains vu tes... »
Son regard se baissa sur la poitrine de Ryan.
« - Non, en fait, je sais... » Il soupira. « Enfiiiin je t'aime bien aussi ! Je t'aimerais encore plus si tu me tirais pas les oreilles ou que tu me plaquais... contre le lit »
Ses sourcils se froncèrent. Il avait dit un truc étrange, non ? Tout en tentant de réfléchir, il fixa la mécanicienne.
« - ICH WEISS ! » Comment ça il lui gueulait dans l'oreille ? « Ich kann ein guter Freund sein und eben kann ich es dir zeigen ! »
Ryan suivit le regard du blond. Encore ses seins. Elle laissa échapper un soupir bruyant. Ce n'était pas comme si c'était devenu un sujet récurrent.
• Mais ils sont très bien mes seins, justement ! Regarde !
Elle s'agita un peu pour lui montrer que tout allait bien. Il avait de la chance, elle ne l'aurait pas fait dans toutes les situations. Il lui renvoya sa déclaration, en ajoutant néanmoins un petit quelque chose. Quelque chose qui fit hausser un sourcil à la mécanicienne. Avait-elle bien compris ?
Pas le temps de s'en assurer qu'il lui criait dans les oreilles qu'il pouvait être un bon ami. Alors Ryan n'hésita plus. Elle le guida jusqu'à ce que le canapé soit derrière lui et le poussa dessus. Il avait dit qu'il aimait être plaqué, non ? Voilà chose faite. Il n'était de toute façon pas en état de riposter. Elle s'était rapprochée de lui, encore et toujours plus.
Avait-il dit le contraire ? Pas qu'il le sache ! Même qu'il avait déjà approuvé, enfin non, Ryan ne lui avait pas laissé le temps, ce jour-là. Tout ça, c'était loin et là tout de suite, il cligna des yeux en se laissant faire. Plaqué contre la banquette de la salle, le blond cligna des yeux. Un petit sourire incrédule naquit. À quoi jouait la brune ? Il n'était pas certain que leurs pensées soient connectées. En même temps, il avait de plus en plus de mal à aligner deux idées.
Ses mains se levèrent. L'une se posa sur la hanche de Ryan et l'autre glissa sur une joue. Son pouce caressa sa peau, alors que son regard se perdait dans le sien. Il resta sans bouger durant quelques secondes. Sans rien dire, histoire d'arrêter de faire son veau entrain de beugler. D'un coup, ses mains attrapèrent les poignets de la brune.
Brusquement, il les fit basculer la plaquant contre l'assise. Son visage se pencha lentement.
Des conneries. Elle savait qu'elle allait faire des conneries. Déjà le fait qu'elle ait accepté ce jeu avait été une connerie. Et maintenant, elle continuait sur sa lancée.
C'était la faute de Mark de toute façon. C'est lui qui avait voulu un défi à la hauteur, c'est lui qui, quelques années auparavant, avait commencé cette étrange relation. C'était encore lui qui avait parlé de plaquer et c'était toujours lui qui posait ses mains sur la mécanicienne à ce moment précis. Avec l'esprit brouillé, Ryan ne pouvait que frissonner légèrement. La hanche. Le pire endroit pour elle.
Elle était tellement dans son pseudo-délire qu'elle avait baissé sa garde. La seconde de trop pour qu'il puisse l'attraper et échanger les rôles. Ryan laissa échapper un grognement, mais ne lutta même pas. Il fallait un peu le laisser gagner pour le flatter - surtout qu'il ne s'en rappellerait plus le lendemain.
A son contact, elle ferma les yeux. Sentir son souffle chaud, bien qu'alcoolisé, sur sa peau. Quand elle rouvrit les paupières, il était toujours là.
• Du Shakespeare comme déclaration d'amour, comme c'est romantique !
Elle tenta de se libérer de cette position bien trop inconfortable pour elle. Mais elle n'y parvint pas. Probablement parce qu'elle n'avait pas vraiment essayé assez fort. Elle se contenta de pousser quelques gémissements plaintifs avant de regarder son compatriote avec des yeux larmoyants.
• Maaaark.. Lass miiiiiich !
Elle tenait les bras de l'Allemand avec ses mains prises au piège. Elle se tortillait mollement pour se glisser loin de son corps. Ca ne marchait toujours pas.
« - Rome antique ? Pourquoi tu parles de Rome antique ? »
Mark cligna des yeux. C'était quoi le rapport entre Rome et Shakespeare ? Qu'est-ce qu'elle racontait ? Ryan était vraiment fatiguée, il n'y avait pas à dire. En plus, elle était chiante à se tortiller comme ça. On aurait dit un asticot géant. Mais est-ce que ça inciterait le blond à la lâcher pour autant ? Pas pour le moment. Il appuya son front contre celui de la mécanicienne puis il se redressa brusquement. Ses doigts relâchèrent leur prise et il alla s'étaler sur le dos à l'opposé de Ryan.
Soupir sur soupir, il resta sans bouger. Bras croisés derrière la nuque, il fixa le plafond. D'un coup, il s'assit sur la banquette avec l'air d'un gamin surexcité. Une question venait de lui traverser l'esprit. Pourquoi ? Comment ? Il n'en savait rien. Mais il fallait qu'elle lui demande. Tant pis, si ce serait nébuleux.
« - Ryan ? Ryan, Ryan, Ryan, c'est quoi la réalité pour toi ? »
Ses yeux brillants se posèrent sur sa compatriote.
Rome antique. De quoi il parlait à la fin ? La conversation virait de l'étrange à carrément incompréhensible. La situation aussi. Le front du blond contre le sien, elle avait l'habitude à force, mais c'était quand même étrange après qu'il l'ait embrassée et qu'il la maintienne à présent sur la banquette.
Mais finalement, il la laissa tranquille, basculant de l'autre côté. Ryan resta un moment encore sur le dos, les yeux mi-clos. Elle était naze, il n'y avait pas d'autres mots.
On entrait dans une phase philosophique, une discussion sur une question existancielle. La mécanicienne haussa un sourcil avant de se redresser, prenant appui sur ses coudes pour observer son compatriote.
• La réalité, hein...
Ryan prenait le temps de réfléchir. Non, je déconne, elle essayait plutôt d'essayer d'être cohérente avec elle-même. Elle s'approcha de Mark, toujours allongée sur le canapé, et posa ses jambes sur les cuisses du jeune homme. Elle se mettait à l'aise, rien ne plus normal.
• La réalité, c'est ce qu'on peut sentir, toucher, goûter et voir. Et... C'est comme si tout avait une fin, c'est pas comme le monde imaginaire où tu peux faire n'importe quoi impunément. Pourquoi, t'as une autre définition de la réalité ?
De l'index, elle pressait le bras de Mark. Poke, poke, poke. Elle montait, elle redescendait, elle remontait.
Une petite grimace se dessina sur les lèvres du blond. Sérieusement, elle ne pouvait pas se mettre ailleurs que sur ses jambes ? Mais il n'avait pas la force de protester ou de s'agiter. Il avait l'impression que s'il gesticulait, il serait bon pour rentrer en rampant dans ses quartiers. Il pourrait faire un concours de vers de terre humains avec Ryan, tiens. Finalement ses pensées avaient dérivé loin de sa question.
« - Mh... Mais on ne peut pas tout voir. La réalité réside aussi ailleurs... A moins que ce ne soit la vérité... »
Réalité était-elle synonyme de vérité ? Où était la frontière entre le vrai et le faux ? Quand dans une discussion, une personne semblait en interpeller une autre devant vous, fallait-il se taire, rester ou choisir autre chose ? C'était ce genre d'idée qui tournait dans sa tête. Ce genre d'idée qui donnait un petit goût étrange aux relations humaines. La vérité derrière ces dernières. Une vérité qui, dévoilée, pouvait faire du mal.
La discussion prenait vraiment une tournure de défoncés. Parler de la réalité, c'était vraiment ridicule. Ryan laissa échapper un rire incontrôlé. C'était plus fort qu'elle, elle les trouvait débiles à cet instant précis.
Elle fixa le blond avec un air con, tout bonnement, alors qu'il lui demandait de le porter jusqu'à son lit.
• Normalement, c'est le prince qui porte sa princ-...
Et puis elle réalisa que ce qu'elle venait de dire n'était pas faux. Elle était tellement plus virile que Mark en réalité. Elle attrapa le bras du concepteur pour se tirer vers lui afin de se redresser. Prise dans son élan, ses lèvres effleurèrent son cou, juste en-dessous de l'oreille. Et puis elle fut prise d'un violent vertige.
• Oooh la mauvaise idée !!
Elle finit par faire descendre ses jambes de celles de Mark et par se remettre lentement debout. Quand elle fut à peu près stable, elle s'approcha de nouveau du blond, un peu décalé de lui. Elle passa un bras sous ses genoux et l'autre dans son dos avant de le soulever non sans difficulté et sans grogner.
•Putain, calme-toi sur le chocolat... En route, Princesse !
Et elle fit quelques pas, jouant du pied pour ouvrir la porte du karaoké et titubant vers de nouvelles aventures.
Accueil
