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Ce fut une longue journée. Wilhelm en avait presque fini avec l'aménagement des futures affaires de son couple. Il avait fait refaire le salon spécialement pour l'occasion et il devait normalement voir le résultat de la fin des travaux ce soir. Malheureusement, il avait été retenu par une bande de bleus un peu trop fainéants qui avaient décidé de se cacher dans un buisson pour le pas faire leur épreuve d'orientation et qui pensaient qus Wilhelm ne les verrait pas. Pauvres fous... Il leur avait passé un bon savon comme il n'en avait pas passé depuis longtemps. Il fallait avouer que la rentrée était violente pour certains.
C'est en rentrant chez lui qu'il vit une jeune femme qui traînait autour de sa boîte aux lettres. Surprenant. Très surprenant. Il fallait dire que généralement, les habitants ne l'approchaient pas trop sous prétexte qu'il était "trop coincé" pour eux. Toujours en uniforme, il annonça sa présence à la demoiselle qui semblait prédisposée à déposer un colis dans sa boîte aux lettres.

"Bonsoir, si vous chercher Monsieur Ashford, je suis là. Je peux faire quelque chose pour vous ?"

Après tout, ça ne pouvait pas être bien méchant. Des choses étranges se déroulaient de plus en plus dans son entourage depuis qu'il avait pris la décision de se marier...

Ça sentait le mensonge a plein nez. Plutôt que de ressasser toutes les raisons de sa non-crédibilité dans sa tête, Wilhelm hésitait à lui énoncer un par un toutes les failles de son argumentation. Il se retint cependant par politesse, soulignant tout de même la plus grosse incohérence de son raisonnement.

"Je vous remercie de votre dévouement, mademoiselle. Étiez-vous assez proche pour voir de quoi il s'agissait ? Peut être auriez vous du appeler de l'aide, comme la police, ou poursuivre l'individu... Avez vous pu voir à quoi il ressemblait ? Si vous avez réussi à déterminer que le colis était "suspect", je pense que vous avez pu avoir quelques indices sur son dépositaire, non ?"

Il se tut, regardant la demoiselle avec un regard d'acier. Il ne savait pas s'il était énervé de voir quelqu'un lui faire une mauvaise farce ou s'il était vexé que la jeune femme eut pensé qu'il était assez con pour gober un mensonge aussi nul. Il sortit ses clés de boîte aux lettres et s'apprêta à découvrir l'étendu des dégâts. Après tout, ça n'était pas la première fois. Il attrapa l'objet qu'il suspendit entre deux doigts sous les yeux de la demoiselle.

"Suspect mais inoffensif, heureusement que vous avez surveillé ma boîte aux lettres... Vous devez être fatiguée à force de rester debout à attendre, vous voulez prendre un thé ou quelque chose ?"

Il valait mieux qu'ils s'expliquent en privé, histoire d'éviter les ennuis avec le voisinage.

Il avait enlevé ses chaussures et sa veste dans l'entrée avant de se diriger vers la cuisine où il mit sa bouilloire en chauffe. Il installa deux tasses, quatre boîtes de thé, une cuillère et une sucrière sur un plateau avant de se diriger de nouveau dans le salon où l'attendait la jeune femme. Il l'invita à s'asseoir avant de répondre à sa question. Quelle enfant.

"Vous punir ? Vous pensez que je suis une sorte de professeur qui vous fait passer une évaluation ? Vous espériez quoi au juste en déposant une déjection en caoutchouc dans ma boîte aux lettres ?"

Il disposa les tasses face à leurs chaises respectives et proposa les différents thés. Il n'attendait rien en particulier de la jeune femme sinon comprendre de manière générale les motivations des gens à son égard. Il savait que certains le trouvaient trop hautain, mais il remarquait surtout leur puérilité. Connaître et comprendre les gens permettait de mieux les ranger dans sa poche et il savait qu'il valait mieux avoir des alliés partout. Voyons comment la situation évoluerait cette fois...

Il s'était assis en face d'elle en attendant que l'eau chauffe. Ça ne serait pas long mais c'était toujours plus confortable que d'attendre debout comme un voleur dans sa propre maison. Et vu la réponse de la demoiselle, il avait eu raison de se mettre en face d'elle. Sincère, hein ? Un étrange éclat de malice brillait dans ses yeux de glace. Pourtant, son visage semblait toujours aussi neutre. Pas l'ombre d'un sourire pour le moment... Il prit la parole sur le ton de la discussion.

"C'est exact. Et j'aimerais énormément que votre "cadeau" m'aide à changer. Cependant, voyez-vous, il semblerait que les probabilités que mon côté "snobe et froid" disparaisse en discutant devant une bonne tasse de thé soient plus grandes qu'en méditant devant une imitation fécale."

Il se tut quelques instants et, en voyant qu'elle ne s'était servi dans aucune boite, décida de prendre l'initiative. Il se servit un thé bergamote. Il aimait bien ce thé qui passait dans toutes les sociétés. Prenez un thé menthe et vous passerez pour un mangeur de couscous, prenez des fruits rouges et vous passerez pour un gay, prenez des fleurs et vous passerez pour un vieux croûton. Seule la bergamote échappait à tous les clichés nauséabonds des écervelés de la société. Et vu le spécimen qu'il avait en face de lui, il était dans son intérêt de "faire genre". La bouilloire siffla, il alla la chercher non sans avoir récidivé un "servez-vous" à l'intention de son invitée. En revenant, il commença à remplir les tasses.

Y avait-il réellement quelque chose de positif à tirer de cette personne ? Elle avait l'air elle même complètement paumée, du moins, bien plus que le commandant. En un sens, Wilhelm ressentait de la pitié pour elle. Pour qu'elle en soit au point de réfléchir à ses propos quinze seconde après les avoir dit, elle devait vraiment avoir des séquelles psychologiques.

"Assez. Si vous n'êtes même pas capable de vous rendre compte de ce que vous dites, il est inutile de discuter avec vous sur le sujet. Je n'ai pas l'envie de vous mettre plus dans l'embarras et je pense que vous n'avez pas envie d'y être non plus."

La scène où elle se brûla la rendait encore plus pathétique. Il n'avait aucune intention de la renvoyer mais il serait bon de signaler dans son dossier ses faiblesses psychologiques afin qu'elle n'entrave pas tôt où tard la réussite de ses projets professionnels.

"Pourrais-je déjà avoir le nom de la personne que je daigne accueillir chez moi ? Je pense qu'il est important de revenir aux fondamentaux maintenant."

C'est pas comme s'il y avait autre chose à faire. La pauvre dame était complètement paumée.

Cette fille était folle ! Elle passait de l'insulte au repenti en une fraction de seconde ! Pour sûr, il y aurait des retombées professionnelles ! On ne pouvait guère laisser un individu aussi instable accéder à des responsabilités qu'il ne pourrait pas gérer ! Elle faisait parti de ces filles superficielles qui pensent que si tu n'es pas en train de crier et de fondre en larme dès que tu vois un chaton, c'est que tu es incapable d'avoir des émotions. Wilhelm garderait pour lui qu'il était calme juste parce qu'il en avait déjà vu des dizaines qui, comme elle, avaient pris l'habitude de déposer des cadeaux dans les boîtes aux lettres des gradés et qu'il était également nécessaire pour son poste de commandant qu'il ait la tête froide en toutes circonstances. Elle faisait parti de ceux qui seront toujours bloqués dans leur évolution de carrière par les barrières qu'ils se sont eux-mêmes fixés. Tant pis pour elle. Alors qu'elle mettait ses chaussures, il ne se permit de dire dire qu'une seule chose d'un ton posé.

"Je ne vous punirai pas mais je laisserai une note dans votre dossier, qu'il soit sur EP-1 ou EP-4. Passez une bonne soirée, j'espère que nous pourrons un jour discuter plus sereinement."

En un sens, tant mieux pour elle si elle avait autant d'énergie à dépenser pour des broutilles. Sans doute une centaine de pompes lui aéraient le cerveau ! Mais bon, il n'était pas là pour ça. Il était chez lui, au repos, et il avait du thé à nettoyer dans le salon. Il s'assurerait juste qu'elle soit bien partie avant, histoire d'éviter qu'il n'y ait plus de nettoyage à faire par la suite.