Il arrivait que parfois, les machines ne soient pas utilisées, que l'on préfère employer la force de l'homme pour faire certaines tâches. Plus autonome, prend plus d'initiatives, communiques, bref, quelqu'un avec une conscience. C'était pour cette raison que des hommes de l'île avaient été dépêchés pour rassembler et trier des armes usées mais recyclables, en haut du volcan -endroit facile d'accès pour les cargaisons d'hélico.

Plus d'une soixantaine d'hommes étaient affairés autour des piles incroyables d'armes en tout genre ; automatiques, semi-automatiques, blanches, explosifs désamorcés, etc. Wrath, lui, s'occupait d'un gros paquet avec deux autre gars, lorsque l'un des supérieurs leur hurla de prendre une pause d'une bonne vingtaine de minutes. S'éloignant de ses collègues pour aller dans un coin un peu plus reculé, Wrath désira tout de même poursuivre le travail sans se forcer, désireux de rentrer chez lui plus vite. C'est en s'approchant de la pile qu'il s'aperçut que quelqu'un était déjà là -pour bosser ou se reposer ?
Wrath n'y prêta guère attention, commençant le tri au niveau des armes, formant ainsi des tas différents. Et ce n'est qu'au bout de quelques minutes, lorsqu'il dû se rapprocher de l'autre personne, qu'il le reconnu. Il s'arrêta de travailler, un sabre d'origine indienne dans la main, et regarda son ancien rival avec surprise.

« Kael ? »

Tiens. Il ne l'avait pas vu depuis pas mal de temps, celui-là. S'il l'avait manqué ?... Pas vraiment. Et sa première pensée fut ça doit être réciproque.

Souvenirs à la con.
Il se souvient de la fois où ce fils de pute d'Archer l'a emmené ici pour mieux le dérouiller. Motif ? Toujours inconnu. Sa mémoire a bel et bien mémorisé la semaine en détention en plus de cette saloperie accrochée à sa cheville pour le garder en laisse. Alors pourquoi ce truc en plus ? Aucune idée. Mais une chose est sûre ; Kael en a chié pour retourner au camp, à pied. Avec la gueule amochée.
Et un bras fracturé.

À chaque fois qu'il vient ici, il fait les cent pas et regarde les alentours. Ca le stimule, ça le motive. Il en a de plus en plus envie. Cette fichue concentrée de hargne et de rancoeur. Vaut mieux rester loin des autres quand il est comme ça, même avec un bras en moins, Kael reste un putain de bourrin.
Un saleté de bourrin.

« Ah. tiens, le chouchou des gradés. » - À présent face à la seule personne qu'il pouvait pas blairer sur ce putain de projet, génial. - « Ca y est, tu sais que t'as un morpion en cours de route ? »

Autant y aller cash.
Tourner autour du pot n'a jamais été sa tasse de thé et ce n'est pas prêt d'arriver. Du moins, tant qu'il ne sera pas calmé.

Si Wrath avait pu vouloir pousser un long soupir, il l'aurait fait. Mais il se contenta d'un simple sourire. Bien évidemment, Kael avait toujours la rage contre lui. Au fil des ans, il avait pu espérer que les choses se tasseraient, mais il sentait que c'était plutôt l'inverse. Plus le temps passait, plus Kael accumulait, et jamais il ne serait en état d'enterrer la hache de guerre.

A l'annonce du "morpion", Wrath ne fut guère surpris. Kaimana, malgré tout, restait de temps en temps en contact avec Kael. Cela agaçait Wrath, surtout dans le sens où il sentait comme une espèce de rivalité pour la même fille, mais il ne disait rien et prenait sur lui. Il n'avait pas à donner des ordres à sa copine. Le balafré haussa brièvement les sourcils et reporta son regard sur les armes d'un air nonchalant.

« C'est pas comme si ça ne crevait pas les yeux. »

L'agressivité de Kael, Wrath n'en était plus surpris. Ses provocations aussi. Il avait la réputation d'un chien enragé, et le balafré se demandait encore pour quelle foutue raison son père le laissait sur le projet, suivre sa formation. Une seconde chance ? Kael était trop buté pour la saisir, à ses yeux. Wrath jeta le sabre sur le tas des armes blanches, puis passa à la suivante.

« J'imagine que tu dois être tout content de pouvoir balancer que tu étais au courant avant moi. »

Que c'était ridicule.

Oh oui.
Bien sûr qu'il pourrait danser et profiter de cette belle occasion pour l'enfoncer. Voir mieux ; faire en sorte qu'il se sente terriblement inférieur face à lui, après tout, avoir la confiance et le privilège d'être le premier au courant, c'est pas rien. Surtout quand on raconte des belles conneries sur un couple comme le leur.
Mais non.

Mis à part un petit sourire, il n'allait rien dire. Pour la simple et bonne raison qu'il sait que si Kaimana est venue lui parler, c'est parce qu'elle avait confiance en lui. Donc, évitons de lui créer des emmerdes. Cependant, en parlant d'emmerdes, quelque chose lui trottait dans la tête. Et ça, c'était jamais bon signe.
Are you ready, Wrathy ?

« Jesus christ, j'ai envie de te défoncer la mâchoire, pas de me foutre de toi. » - Quelques pas pour se retrouver face à lui, manteau toujours maintenu pour cacher son bras droit amputé. - « Par contre, ça me fait chier qu'elle soit en cloque d'un sale petit con de soldat. Tu sais, ces gens qui seraient prêts à sacrifier leur vie pour le projet dont ils sont même pas les auteurs. »

Kael a toujours été direct.
Sacrifier sa vie, se dévouer pour le projet était la pire connerie qu'il n'a jamais entendu jusqu'ici. Il y a tellement plus important, tellement plus rare sur cette terre, qu'un projet qui a juste pour but d'étendre le pouvoir d'un seul homme - ce qui est le cas actuellement, impossible à nier - c'est tout simplement stupide.

Certes, il effectuait une formation militaire, mais ce n'est pas pour le projet qu'il fait ça. C'est à la fois pour lui et pour Eileen. Il n'a pas l'attention de rester en laisse bien longtemps.

« Si tu l'aimes, stop ta carrière. Tu seras pas assez dévoué pour ça et je pense pas que tu sois aussi connard pour laisser une jeune femme avec un gosse sous le bras. »

Toujours dans le vif du sujet.

Ah, on y allait... En le voyant s'approcher, Wrath savait qu'il y allait avoir un rapport de force. Et pas des moindres. Vu la forte tête qu'était Kael, l'ignorer ou se foutre de lui revenait à lui donner le feu vert pour qu'il te défonce. Mais Kael, tellement il était borné, ne voyait pas Wrath comme il était, et ça le balafré en avait pleinement conscience. Il restait sur un évènement du passé, un moment de faiblesse où ils s'étaient battus -et où il s'était fait battre surtout. La haine de Kael à son égard ? Dans le fond, il ne la comprenait pas trop. Il la trouvait même, pour ainsi dire, stupide et irrationnelle.

Alors Wrath, après avoir tapé dans ses mains pour retirer la crasse, regarda Kael droit dans les yeux, le visage sérieux. Les dernières paroles de Kael, elles, le laissèrent totalement de marbre. Réellement. Wrath n'esquissa même pas l'ombre d'une seconde de réflexion avant de rétorquer.

« A la seule différence que je ne suis pas toi et que je me planque pas derrière un caractère de chien enragé pour protéger les miens. » Blanc de quelques brèves secondes, le temps que Kael imprime la réplique. « Tu passes le plus clair de ton temps à cracher sur les autres, à te borner à haïr. Si Kaimana n'avait pas confiance en moi, on en serait pas là. C'est pour ça qu'elle est avec moi et pas avec un autre. »

Si ça te frustre d'être un vieux clébard boiteux, c'est ton problème, pas le mien. Wrath ne le craignait pas. Il avait finit sa formation, et contrairement à leur affrontement d'avant, n'était pas épuisé par l'entraînement. Il était en pleine forme et avait pleinement l'assurance qu'il pouvait mettre Kael au tapis au moindre mouvement. Et il l'attendait, ce mouvement.

« Si t'es écœuré par ta situation, t'as qu'à viser plus haut. On mesure pas un homme sur la soi-disant paire de couilles qu'il affiche en aboyant. On le mesure avec ses actes. »

Non, définitivement. Il ne laisserait pas un chien marcher sur ses plates bandes.

« ... » - Et il le regarda, droit dans les yeux, fixe, sans réaction. Jusqu'à ce que ... - « ... Mais t'as quel âge, bordel. T'es pas immortel, tu peux crever comme n'importe qui en mission, parce que t'es pas intouchable ! »

Dieu seul sait à quel point il est sérieux.
Et honnêtement, ce n'est pas le contenu qui l'a agacé, mais le ton arrogant de Clayworth. Cette petite chose à la con qui lui donnait un air trop sûr de lui. À se demander s'il a vraiment capté qu'il s'est enrôlé à l'armée et que dans l'avenir, il se peut qu'il se fasse tuer. Car il n'est pas le soldat ultime, encore moins invincible.

Et il doute que ce type soit comme lui. Parce que nom d'un chien, ils sont trop différents pour ça. Wrath pouvait piailler, jacter autant qu'il veut. Mais franchement, s'il ne voit pas à quel point Kael prend le sujet "famille" à coeur, alors il n'est rien d'autre qu'un abruti fini.

« Traite-moi de chien, mais moi au moins, pour ma fille ; je suis capable de ça. »

Enfin, il dévoile son handicap. Enfin, il avoue dans la foulé ; qu'il est père d'une enfant de 7 ans. Enfin, il montre une facette de lui que très peu ont pu remarquer jusqu'ici ; une remarquable dévotion.

Malheureusement, cette dévotion n'est pas pour le projet. Ni pour ses camarades. Seulement à ceux qui en valent la peine. Kaimana en fait suffisamment partie pour qu'il s'mêle de ses affaires.

Fille ? Pas étonné non plus. Pour ça, Wrath était au courant, côtoyant Beal de très près et Ervin par la même occasion, même s'il n'avait pas voulu savoir, il en avait entendu parler. Il avait même rencontré la petite chez les Varga, une seule fois certes, mais c'était de cette manière qu'il avait su. S'il avait pensé quelque chose ? Pauvre gosse avait été sa pensée du moment. Mais avec le recul...

« Tu es qui pour juger de ce qui est préférable ou non ? Il me semble que l'abruti qui se fout tout le monde à dos, c'est pas moi. Je pourrais aussi bien crever d'une balle dans la tête que d'une électrocution avec un sèche-linge. »

La famille. Kael y était accroché, ça se voyait, mais Wrath aussi. De manière totalement différente cela dit. Ils n'avaient pas les mêmes ambitions, pas les mêmes objectifs. Pour autant, Wrath sentait que la tension avait très légèrement diminué et que la discussion n'était plus un rapport de force, mais une mise en garde. C'est pour cette raison que Wrath pivota à nouveau vers les armes et qu'il se détendit.

« Ce n'est pas comme si je n'y avais pas pensé. Contrairement à toi, j'ai déjà perdu ce que j'avais de plus cher parce que je n'avais pas envie de m'impliquer dans ces conflits. Même si tu fuis les conflits, eux te retrouveront. Alors il vaut mieux prendre les devants, quitte à crever au combat, tant que tu es sûr de pouvoir garder ta maison en lieu sûr. » Il reposa son regard sur lui. « C'est pas pour ça que tu as fait venir Eileen ici ? »

Car oui, les conflits se trouvaient ailleurs dans le monde. Pas sur EP.

« Si je n'ai pas peur de me trancher un bras pour survivre, je n'aurais pas peur de faire pire. » - La survie, à tout prix, c'était son crédo. Mais ce n'est pas ça que Kael voulait lui faire comprendre. - « Ta disponibilité ? Tu seras présent pour les anniversaires de ton gosse ? Est-ce que tu seras présent pour l'accouchement ? Tu parles de mort, je te parle de présence.»

Ah là là, la présence d'un père auprès de son enfant.
Si seulement on savait à quel point Kael aurait voulu avoir son propre père à ses côtés. Son VRAI père, pas l'imposteur qui s'est marié avec une femme désespérée et un gosse abandonné. Mais bon, qui sait. Peut-être le retrouvera-t-il un jour. Mais pour l'instant, c'est bien pour ne pas ressembler à son géniteur que Kael fait tout pour avoir Eileen à ses côtés.
Assurément tout.

« T'es mignon hein, mais franchement, ton morpion va juste souffrir de ne pas avoir un père présent pour sa personne. Les missions, ça peut en pleuvoir à la pelle, mais ça, t'y as déjà réfléchi, hein ? »

Couillon.
S'il croit que sa vie est programmée comme un système dans un ordinateur, alors on l'a vraiment bercé trop près du mur. Il ne sera jamais présent. Plus il montra en grade et moins il sera présent pour son enfant.

Kael en a chié pour les précédents anniversaires d'Eileen. Résultat ? La petite ne sait même pas que son père est juste là. Pour elle, il est juste Kael, le soldat qui l'a embarqué sur ep.

La situation le ferait presque rire. La présence d'un père ? Il en avait bavé, lui aussi. Il n'avait pas eu de figure paternelle et avait été le seul homme de sa maisonnée jusqu'à ce qu'on le ramène sur EP. Kael parlait, affirmait, comme s'il avait la science infuse, et Wrath avait pitié parce que ce blond, blessé dans son amour propre, se comportait comme un animal têtu qui se mord lui-même la queue dans l'espoir d'attraper celle d'un autre. Wrath reprit son manège, continuant de trier les armes d'un air un peu las. Répondre agressivement ne mènerait à rien, en dehors d'envenimer les choses.

« Peut-être que je ne serai pas là, peut-être que je serai toujours là. Mais y'a pas de solution miracle pour élever des gosses. Ils grandissent tous différemment, et je pense que t'en es le bon exemple. Ta vie a pas été plus pourrie que celle d'un autre et tu parles comme si ton vécu faisait de tes sentiments une vérité absolue. »

Wrath s'arrêta sur un petit poignard, qu'il fit brièvement tourner dans sa main avant de le tendre vers Kael.

« Ton sentiment de culpabilité à l'égard de ta fille n'est pas mon problème. Je n'ai pas l'intention de disparaître ou de les abandonner. Je me fiche que mes gosses me haïssent s'ils peuvent en parallèle vivre heureux et qu'ils sont sains et saufs. Je ne suis pas là pour être aimé. » Il haussa brièvement les épaules, regardant le poignard. « Mon fils n'est pas et ne sera jamais Eileen, ni toi. Tu devrais peut-être essayer de comprendre les autres avant d'affirmer des choses. Seuls les plus bornés sont ignares, ils pensent tout connaître des autres mais ne comprennent pas même la moitié de ce qu'on leur dit. »

Ignare. Un ignare borné. Pas stupide, juste un ignare. Tu gâches ton potentiel.

Ils le gonflent.
Ils sont tous chiants à vouloir se comparer à lui, à toujours vouloir se comparer à lui, à croire qu'il est aussi pathétique qu'eux. Kael n'est pas comme eux et il ne le sera jamais, pour la simple et bonne raison qu'en aucun cas, il n'agira de la même façon qu'eux. Que ce soit Wrath, Neils ou Ervin. Wil et encore d'autres personnes.
Ils font tous chier.

Sans prévenir, il s'approcha. Sans prévenir, il empoigna la chevelure du soldat. Sans prévenir, il le fit embrasser la surface où s'est posé les armes et Ô combien l'envie de lui briser le crâne dessus est déjà plus qu'intensif. Mais voyons, il ne faut pas toucher le petit Wrath, sinon on se fait botter le cul pour une raison morbide.
Saloperie.

« Arrête de te comparer à moi. Tes priorités ne sont pas les miennes et vice versa, mais je m'en branle, tu captes ça ?! » Un petit coup de pression, ça fait pas de mal. « J'ai déjà été témoin du désespoir d'une femme amoureuse et malheureuse. Je lui évite ça, point. Je te préviens Clayworth, ose être absent pendant plus de cinq mois et c'est moi qui m'occuperait d'elle. Est-ce clair ? »

Pas la peine de préciser qu'il parlait de Kaimana.
Il le relâcha et recula, juste par pure précaution. Rien que le fait d'avoir un bras en moins le rendait encore plus ... Agressif. Et plus poignant dans ses gestes. Parce que monsieur ne supportait pas la simple idée qu'on puisse le sous-estimer. Et ce type, il était chiant. Sérieusement, il sortait de quel conte de fée ? La vie, ce n'est pas une histoire pour gosse.
Et encore moins celle d'un soldat.

« C'est pas parce qu'elle porte ton gosse, qu'elle est liée à toi pour le restant de ses jours. » Un petit coup de pression, ça fait pas de mal. « Alors t'as intérêt à faire gaffe. Parce qu'un couple, ça s'entretient. Et ce n'est pas avec ta mentalité à la con qu'il va tenir longtemps. »

Ce qui est assurément vrai.
Les gens peuvent parler, se promettre l'éternité, mais la réalité ; ce n'est pas l'éternité. Sa gonzesse va certainement se lasser, être en proie d'un certain doute et d'un désir à ne pas finir comme la pauvre femme qui attend le retour de son mari lors d'un combat.
Tellement pathétique.

Kaimana s'est adoucie avec le temps. Sans doute l'âge, mais aussi le fait qu'elle soit avec quelqu'un. Et ça, ça se voyait que trop bien. Surtout aux yeux de celui qui l'a aimé en premier.
À savoir ; lui.

Ah, s'il avait voulu, Wrath aurait pu l'esquiver. Kael était tellement prévisible, mais il le laissa l'attraper et lui écraser la gueule. Après tout, il n'était bon qu'à ça, c'est pour ça que Wrath ne daigna même pas lâcher le moindre bruit ou opposer la moindre résistance. Il resta docile, jusqu'à ce que Kael le relâche, après quoi il se redressa, du sang coulant sur le côté de son visage. La peau du visage, c'était fragile, et ça pissait le sang facilement. Quelques mèches de cheveux trempant dedans, Wrath regarda un petit instant les armes contre lesquelles il avait eu le visage plaqué, sentant le sang chaud couler. Puis il tourna la tête vers Kael, écoutant ses paroles comme si c'était du vomis qu'on lui crachait à la gueule.

Wrath se tourna totalement vers lui, mais sérieux. Il y avait certaines choses dont il pouvait parler, mais d'autres sur lesquelles il valait mieux se taire. Comparé à avant, il n'était plus un élève, n'était plus sous la tutelle de ses responsables et son père l'envoyait au front ; il était capable de se débrouiller et l'avait démontré. Wrath jeta le poignard comme un déchet sur la pile des autres armes blanches, mais son regard restait braqué sur Kael.

« C'est bien pour ça qu'elle est avec moi et pas avec toi. Tu n'es pas un soldat, tu es un lâche. Tu n'es pas un homme, tu es un clébard. Tu n'es pas un père, tu es un inconnu. Tu n'as rien. Demain tu crèves, même ta gosse le réaliserait pas, et ça te fout tellement les pétoches que t'es obligé de venir faire ton coq devant moi pour te rassurer en te disant que tu as au moins quelqu'un à haïr. »

Il releva la tête. Il le prenait de haut, le méprisait. Mais il ne le haïssait pas.

« Tu crois qu'elle est faible, mais elle a plus de couilles que jamais tu ne pourras en avoir. Tu peux me trouver connard, j'en ai rien à foutre. Et je pourrais même te mettre au défi de me l'arracher, mais même ça, t'en es incapable. Il serait peut-être temps que tu réalises que c'est toi le problème, pas les autres. T'as 24ans, t'en as plus 12. La crise d'ado c'est fini. »

Qu'il vienne à lui.

« Tout ça venant de la part d'un homme capable de crever pour un projet dont il est même pas l'auteur ... Quelle plaisanterie. » Non, s'il te plaît Wrath, tais-toi, t'es juste hilarant.. « Cesse donc tes transferts à la con. C'est juste désespérant. »

Lâche, soldat ... Que de grands mots, sérieusement, pour pas dire grand chose. Kael n'a jamais voulu être un soldat, l'armée n'est pas absolue et ça, il l'a pigé avant, tellement bien avant. Au moment même où il a appris que bientôt, sa fille allait venir au monde. On peut le traiter de chien, mais dans toute cette affaire ; c'est lui qui se soucie le plus de Kaimana. Wrath n'a fait que répéter, encore et encore, le même discours concernant.
Hey, tu crois qu'elle est acquise, c'est ça ?

C'est qui le coq ? Celui qui est sûr et certain que son futur est déjà assuré ou celui qui sait que demain, rien n'est sûr. Wrath tente juste de provoquer Kael, mais ... Non. En fait, ça n'arrivera pas. Parce que Kael sait qu'il a raison. Un couple, ça s'entretient. Un couple de soldats, ça tient pas si bien que ça. Mais de toute façon, le manque de réalisme de certains étaient plus que fatigants.
Et lassants.

« Mais vois-tu, je me répète ; je m'en branle. Sous-estime moi, rabaisse-moi. Ne m'écoute pas, mais tôt ou tard ; tu te feras salement baiser. » Ne reste pas là, Kael. Ce type est juste bon à finir comme les autres, après tout.. « Sur ce, bon vent. »

Ca sert à rien de discuter, alors autant partir.
Ils vont simplement agir et réagir comme deux animaux qui refusent de laisser à l'autre un bout de leur territoire. Même si Kael a plus agit pour le bien être de Kaimana, que dans celui de Wrath. Lui, le problème ? Ca l'a bien fait rire, cette phrase. Il met en avant le ressenti et le besoin d'autrui, au lieu de l'avenir de ce putain de projet.

S'il doit mourir, ça sera seulement pour ce qu'il a décidé, lui. Et pas parce qu'on le lui a ordonné. C'est un crime, de ne pas avoir les mêmes objectifs que tout le monde ?
Apparemment, oui.

Wrath ne daigna même pas répondre à Kael. Pas parce qu'il avait rien à dire, mais parce qu'il pourrait parler au mur, ses mots auraient le même impact. Kael, tôt ou tard, finirait par lui sortir de tous les trous et il irait lui-même lui botter le cul s'il apprenait pas à la fermer. En réalité, dans l'immédiat, Wrath voulait l'envoyer à terre. Il ne disait rien, ne faisait rien, mais il en avait plein le fion qu'il lui parle comme à de la merde.

Le balafré resta un moment à regarder Kael, faisant le tri dans ses idées. Mais voilà. La vue de son propre sang, sur sa main, lui rappela la misère qu'il avait prise, des années en arrière. Alors son regard vert se braqua à nouveau sur Kael, beaucoup plus déterminé.

Loin du petit gars faiblard auquel il avait fait face la première fois, Kael avait devant lui un militaire qui avait effectué déjà plusieurs missions, dont une plus longue que les autres. Wrath avait encore appris sur le terrain, et là où Kael restait un étudiant, lui il avait progressé. C'est avec une simple prise que Wrath le colla au sol, face contre terre, le pied sur sa joue. Même la veste avait volé, dévoilant la blessure que le chien s'était lui-même infligé.

« Et là, c'est qui qui crève bêtement et cause l'abandon de sa fille et celle dont il prétend vouloir le bonheur ? Ne me fait pas rire Kael, ça fait belle lurette qu'ici on a tous compris que t'étais trop con pour être capable de quelque chose. On s'attend tous à ce qu'un jour, quelqu'un en ai ras le bol de ta gueule et te plombe devant tout le monde. »

L'amputation ? Il ne voulait même pas savoir, ça ne l'intéressait pas, mais du coup, il était sacrément handicapé avec son seul bras pris au piège. Alors quoi, il allait se le déboîter ? Wrath s'y attendait, vu l'énergumène.

« S'il faut que je t'éviscère pour que tu dégages le plancher, je le ferai. Et je suis pas le seul qui est prêt à le faire. Tu n'es pas un des nôtres, t'es seul. Alors prépare toi à crever sans personne pour s'en soucier. »

Et il le relâcha, reculant de quelques pas.

« En attendant le jour où tu pigeras comment je fonctionne ; je ne t'écouterais pas. » Dit-il, en dégageant le pied de l'abruti.. « Tu veux me tuer ? Bute-moi. Vas-y. Apparemment, ça fera plus de bien que de mal, alors go. Légitime défense. Ou alors, tu vas me sortir le vieux discours à la con du ; t'en vaut pas la peine ? »

Putain, foutez-lui la paix.
C'est la dernière fois qu'il tentera de faire quelque chose de bien pour un couple pareil. Comme si que la vie militaire pouvait étouffer les risques de la vie quotidienne. Oui, il était à terre, et ? Son détachement pour le projet et le simple fait que plus on le regardait de haut, plus il restait ancré dans ses principes, ça n'allait aider en rien.
Il n'écoute pas n'importe qui.

Et Wrath, c'est n'importe qui. Il n'est pas plus dangereux qu'un autre et s'il veut rester dans son monde parfait à la route déjà tracée, c'est son problème. Kael préfère les imprévues, les "hey you !" sans préavis. De toute façon, ça sert à rien de rester avec lui.

« Et au cas où ; j'avais l'intention de me barrer. C'est toi qui voulait faire démonstration de tes supers compétences. » Va te coucher Wrath, la fatigue te rendait sourd.. « Je vais me répéter ; au revoir. »

Allez, on se casse pour de vrai, cette fois-ci.

Wrath avait compris depuis bien longtemps que Kael était une cause perdue qui finirait par prendre une balle dans le dos. Personne ne daignerait l'affronter à la loyale car oui, il n'en valait pas la peine. Son manque de considération pour les autres, son hypocrisie et surtout sa prétention le rendaient invivable. En le regardant partir, Wrath se demanda s'il n'aurait pas été mieux pour la gosse qu'elle reste loin de son père, loin de ce sauvage sans la moindre éducation, sans le moindre repère et surtout, sans le moindre avenir. Il allait s'attirer des emmerdes et la traîner avec lui dedans, quitte à pourrir sa vie pour le seul prétexte d'être "proche d'elle". Définitivement, Wrath ne voyait pas Kael dépasser les trente ans.

Quelqu'un le tuera avant.