Akito ne travaillait pas aujourd'hui. Sa fille était encore à l'école alors l'infirmier avait décidé d'en profiter pour s'acheter quelques pulls, en vu de l'hiver qui n'allait pas tarder à arriver. Il avait encore le temps de le voir venir, mais s'il attendait trop, il ne trouverait plus rien pour le satisfaire. Akito était assez pointu et exigeant sur ce qu'il portait. A la fois sur la qualité que sur le visuel. Hors de question de mettre un col roulé par exemple.
En vérifiant ses crédits, il se rendit compte qu'il pouvait s'acheter deux ou trois pulls ainsi qu'une nouvelle paire de chaussures. Il commençait donc par ça, car l'envie de se prendre une paire de mocassin marron pour aller avec ses vêtements de ce coloris était trop forte. Il aimait être élégant et le montrer. Il aimait qu'on sache qu'il était le genre d'homme à savoir accorder les couleurs et les vêtements. Ca faisait de un homme attirant et autant dire que c'était primordial de le rester. Surtout maintenant qu'il était célibataire. Akito passa donc par l'allée des pantoufles, ça il n'en avait pas besoin, Svetlana lui en avait offert à la dernière fête des pères. Mais l'adulte s'arrêta net, voyant quelqu'un qu'il connaissait, de l'autre côté de la rangée.
Le rouquin de la dernière fois. Akito sourit de biais, là, il n'y avait pas sa fille, il pouvait se venger. Mais pas trop, car il était dans un lieu public. L'homme choisit donc d'agir de la manière la mature qu'il soit. Il lui jeta une pantoufle sur la tête, tout en se cachant.
Son passage sur EP-1 s'avérait lier à ses activités des prochains mois. En tenue militaire, Finley arpentait les rues après son rendez-vous à Infinite Project. Le rouquin songeait davantage à tuer le temps en attendant la prochaine navette. En dépit des trajets, il ne se plaignait pas et ne manifestait pas, non plus, de désir de changement. Après un petit tour dans les rues, l'homme s'arrêta devant un magasin. Il n'avait besoin de rien, mais il songeait qu'ici, il serait sans doute à l'abri de toute mauvaise rencontre.
Grossière erreur. Se tenant quelque part du côté des pantoufles, Finley essuya une attaque en règle. Aussi sournoise qu'immature. Les sourcils froncés, il regarda autour de lui. Les cris ne lui avaient pas échappé et lui avaient même rappelé une certaine personne.
« Et sinon vous pourriez parler au dit connard ? »
Lança-t-il en s'avançant. Il ne parlait pas dans le vide, il en était certain mais l'ennemi allait sans doute choisir de rester dans l'ombre.
Akito n'allait pas se cacher. Ce n'était pas de son genre d'avoir peur des autres et de rester dans la subtilité très longtemps. Il n'avait pas peur de la confrontation, de gueuler un bon coup même en public et d'assumer surtout. Même si l'autre était un militaire entrainé et que lui ne l'était pas du tout. Il s'en fichait ! C'était son amour propre qui parlait, sa testostérone.
« Ici, ducon. » Il se releva donc pour qu'on puisse bien le voir. Son action semblait avoir énervé l'autre soldat débile et c'était plutôt une bonne chose. « tu vas faire quoi ? Aller prévenir tes supérieurs qu'un méchant pas beau t'a jeté une pantoufle dessus ? Booouh. Vilain civil pas gentil ! »
C'était l'impression qu'il lui avait laissé après tout. Un planqué qui ne faisait que suivre les ordres et se cacher derrière ses supérieurs. Akito n'aimait pas les gens qui agissaient en fonction des autres. Et comme l'autre avait bien expliqué qu'il était typiquement ce genre d'homme la dernière fois.
« Je bouge plus. J'te laisse me frapper. Enfin, si t'as ce qu'il faut dans le pantalon. » Son regard se baissa à l'endroit voulu. De la pure provocation. Akito était sûr et certain qu'il n'allait pas répondre.
Son visage se tourna dans la direction d'où provenait la voix. L'agacement montait graduellement, mais quelque chose l'empêchait de laisser les provocations l'emporter. Il ne s'agissait pas de la discipline ou de l'indifférence. Plus de la prudence. Avait-il envie d'avoir son dossier entaché à cause d'acte de violence envers un civil ? Non. Aucune personne n'en valait la peine. Aucune personne ne valait une suspension. Les bras croisés, Finley planta son regard bleuté dans celui de l'Asiatique. Il ne voulait pas céder et en même temps, il ne voulait pas rester passif.
Ses sourcils se haussèrent légèrement. D'un coup, ses bras se décroisèrent. Une de ses mains attrapa celle de l'autre homme. Sans un mot, il la posa sur son entrejambe quelques secondes avant de la relâcher.
« Je suppose que cela répond pour le contenu. »
Ses mains se placèrent sur ses hanches. La gauche se leva et passa sur son front.
« Je vais vous laisser à vos pantoufles. »
Le rouquin tourna les talons pour s'en aller en direction des sous-vêtements.
Il restait là, fier comme un coq, le torse bombé, certain de ne pas à avoir à essuyer le moindre coup. L'autre avait tellement à perdre comparé à la joie passagère qu'allait lui procurer de répondre aux provocations du Japonais. C'était pour cette raison qu'Akito gardait le sourire. Un air qui indiquait bien au rouquin qu'il avait le contrôle et qu'il n'avait pas envie de le perdre.
Par contre, il n'avait pas venu venir l'action suivante. Elle ne lui déplut pas, au contraire même, mais l'infirmier resta quelques secondes pour se remettre les idées en place. L'autre venait réellement de lui faire mettre la main au paquet ? Non ? Sérieusement ? Un mec aussi coincé ? Putain, Akito n'en revenait pas. Le geste ne l'avait pas choqué, mais c'était plutôt de ne pas l'avoir imaginé. Jamais il n'aurait pu se dire que le soldat en face de lui puisse agir de la sorte. Mais très vite, un nouveau sourire se dessina sur son visage. Plus discret, beaucoup plus narquois également. Akito se mordit la lèvre supérieure avant de poursuivre le militaire. Un pas rapide, sans pour autant se mettre à courir. Il ne fallait pas attirer trop l'attention des autres personnes présentes.
« Eh mec ! » Il l'interpella, avant de passer son bras autour des épaules du soldats, s'appuyant ainsi contre lui légèrement, tout en continuant de marcher. « Fallait me le dire si tu voulais que j'te touche ! On peut s'arranger et faire un tour aux cabines d'essayages » Il parlait à voix basse, laissant trainer sa voix pour donner plus d'effets à ses paroles. Ah ça, Akito savait rebondir sur les situations qui se présentaient à lui !
Il s'en était débarrassé. Finley était positif. Cette mauvaise évaluation de la situation lui valut une surprise de taille. Si le rouquin ne tourna pas la tête à aux premières paroles de l'homme, il finit par réagir sous la proximité. Les yeux écarquillés, il le fixa. D'où venait ce brusque changement de comportement ?
« J'avais prévu de me changer. Seul. »
Sa voix appuya bien sur le dernier mot. Son intonation en disait long aussi. Il ne savait pas pourquoi l'autre homme s'imaginait je-ne-sais-quoi mais pas question que cela n'arrive. En gros, le scientifique cherchait à gagner du temps. Il voulait trouver un moyen de semer l'Asiatique en évitant d'attirer l'attention. Ou en évitant les hurlements. Les gestes suspects avaient déjà dû s'enchainer à vitesse grand V. Sans vraiment réfléchir, Finley s'arrêtait dans les rayons. Ses mains attrapèrent une chemise puis plus loin un pantalon. Tout en prêtant tout de même attention aux tailles.
Adressant un coup d'oeil sombre à l'inconnu, il s'arrêta, posa une main sur le bras et le retira de son bras. Il repoussa l'homme puis fila d'un pas pressé dans une des cabines.
Akito avait cette capacité à changer de comportement et d'émotion assez rapidement. C'était surtout parce qu'il aimait surprendre et qu'il ne voulait jamais être celui qui était dépassé par l'autre. Il lui arrivait de se planter évidemment. Mais là, il avait le dessus. Le pire avec Akito, c'était quand il en avait conscience. Il devenait alors sûr de lui et ne lâchait jamais.
« C'est moins drôle qu'à deux... » Il se laissa faire quand l'autre le repoussa, mettant les mains dans ses poches en l'observant. Il allait réellement mettre ce type de chemise et surtout cette couleur avec ce pantalon ? Soit il avait autant de goût qu'une vache irlandaise, soit il le faisait exprès pour se débarrasser de l'infirmier. Grossière erreur. Ca n'allait pas être une porte même pas fermée par un verrou qui allait l'empêcher d'aller plus loin.
Sans aucune gêne, Akito entra à la suite de Finley. Les cabines étaient petites et plutôt étroites, c'était encore mieux de ce fait ! Il resta sans bouger, sans le toucher, juste en le regardant de haut en bas, très lentement.
Naïveté. Voilà, un défaut qui le perdrait. Mais Finley n'aurait jamais pensé que l'Asiatique le suive. Les yeux écarquillés, collé contre une des parois de la cabine, le rouquin scruta l'arrivant. Sérieux ? Sérieux ? L'homme le regarda d'un air éberlué. Son regard bifurqua en direction de ses vêtements. Il ne pourrait jamais mettre cela. L'assortiment des couleurs était horrible et cela n'irait pas avec son teint.
Ses yeux se plissèrent. Sans un mot, il accrocha ses vêtements. Ses doigts se posèrent sur le haut de son uniforme. Lentement, il le défit. Sa peau pâle et ses muscles fins se révélèrent sous le tissu. Son pendentif en forme de croix battait contre sa peau. Cheveux en bataille, le rouquin observa l'inconnu avant de plaquer l'habit contre le visage de l'Asiatique.
Il en avait déjà trop vu à son goût. Et puis, merde quoi !
Ce ne fut pas le pantalon qui tomba, mais le haut. Akito s'en fichait, tant qu'il pouvait se rincer l'oeil ! Il était tombé sur un drôle d'énergumène quand même ! Qui se montrait si distant et si peu enclin à l'amusement un temps et qui finalement se retrouvait à moitié à poil dans une cabine avec un homme dont il ne connaissait même pas le nom. C'était le charme fou d'Akito qui avait encore fait des siennes ça ! What else ?
L'infirmier ne s'approcha pas, jamais. Il ne tenta pas d'avancer et encore moins de le toucher. La cabine était déjà assez étroite comme ça et sans doute que l'autre prendrait conscience de ses actes s'il venait à le toucher. Il admirait juste le spectacle, l’œil vif et clairement intéressé.
« Si t'oses me dire que t'as pas un gramme d'homosexualité en toi mec, j'te ris au nez. »
Pour lui, il était clair que le gars entièrement hétéro n'aurait jamais obéit à un tel ordre. Juste par fierté, juste parce que ça ne se faisait pas s'il n'y avait pas l'envie de l'attirance pour la suite. L'idée d'Akito était faite de toute manière. Et cette idée lui convenait, en plus.
« Manque le bas maintenant. » Qu'il lança en agrémentant son désir d'un coup de tête, le regard bien placé sous la ceinture du soldat.
Mauvaise tactique. Bras croisés, il finit par fixer l'homme en face de lui. Ce dernier ne manifestait aucune envie de partir. La situation ne s'améliorait pas et son sourcil gauche se haussa à la déclaration de l'Asiatique.
« Non. »
Le message était clair. Le bas resterait là où il était. Il n'obéissait qu'à ses supérieurs hiérarchiques. Ou dans une autre circonstance. Adossé à la paroi, le rouquin planta ses yeux dans ceux de son interlocuteur. La patience était la seule chose qu'il n'avait pas testé. C'était son seul recours immédiat, car il n'était toujours pas question de craquer et de laisser un mauvais coup partir. Des vendeuses passaient non loin. De la cabine, ils pouvaient entendre les plaintes ou les rires de ces dernières.
Un faible soupir fit frémir ses lèvres. Finley espérait juste que l'autre se lasse le plus vite possible.
Alors comme ça, il ne voulait pas obéir . Akito déchanta, perdant son sourire et la droiture de sa posture. Il se doutait bien que ça allait s'arrêter au bout d'un moment mais lui aurait voulu que ça continue encore un peu. Il était pas drôle, l'autre à le chauffer comme ça pour ne plus rien faire ensuite ! Vraiment, quelle idée ! Mais le Japonais savait qu'il risquait trop s'il le touchait et ce n'était vraiment pas de son genre de forcer dans ce sens. Il était con, égocentrique et mauvais parfois, mais jamais à ce point. C'était les malades mentaux qui l'étaient de toute manière.
A la place, l'infirmier se toucha les fesses, tâtonnant les poches de son pantalon pour en sortir un bout de papier. Il avait toujours son numéro écrit quelque part, parce qu'il ne se baladait pas forcément avec un stylo et qu'il était certain de plaire tous les jours. Il fallait donc tout prévoir ! Il le regarda quelques instants, avant de le mettre dans la poche côté gauche du pantalon du militaire.
« On se reverra dans un endroit plus intime, chérie ? » Il lui fit un clin d’œil, avant de sortir de la cabine, pour qu'il puisse se rhabiller.
Impassible mais intrigué, le rouquin ne bougea pas. Il espérait gagner cette partie et voir l'homme, tout simplement, partir. Aussi resta-t-il bouche bée quand l'asiatique glissa un papier dans sa poche de pantalon. Finley se disait que cela ne pouvait pas être ce qu'il croyait. Mais l'individu était suffisamment gonflé pour. Ne prenant pas la peine de répondre à l'oeillade, il attendit d'être seul. Sa main gauche se glissa dans sa poche, en extirpa le papier et l'étudia, les sourcils froncés. Sa main droite gratta sa nuque.
Tout en soupirant, il froissa le papier et le rangea à l'endroit précédent. À jeter en rentrant, songea-t-il. Rapidement, Finley se rhabilla, attrapa les vêtements et lança à une vendeuse, prête à poser une question, que rien ne lui convenait.
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