Ob... Obe... Ober... Oberfelelehfel, toi qui viens de rentrer de vacances, on vient de t'affecter à un nouvel appareil. Tâche de pas l'abîmer, on laissera ton sort au pilote de toute façon. • Oui, Monsieur.
Ryan aurait pu le reprendre sur son nom de famille. Mais comme, de toute façon, rares étaient les personnes qui parvenaient à le retenir et à le prononcer correctement, elle avait rapidement abandonné l'idée. Elle n'était de toute façon pas en droit de reprendre son supérieur. Elle était rentrée quelques jours plus tôt de sa première mission en extérieur et devait maintenant reprendre son travail sur Ep-1.
On lui avait donné le modèle et le numéro d'identification de l'appareil, mais on avait ommis de lui parler du pilote. S'il était au courant ou non. S'il était du genre à jouer les mécaniciens ou non. Si c'était en chieur ou non en soi. Ryan partait donc dans l'inconnu le plus total.
Elle leva les yeux sur l'avion. Un très beau modèle. Comme la plupart des avions du projet par ailleurs. Mais elle ne put s'empêcher de lâcher un sifflement admiratif. Il était, de façade au moins, plutôt bien entretenu. Elle posa sa caisse à outils sur le sol et baissa les manches de sa combinaison. Il était temps de voir ce que l'appareil avait dans le ventre et de faire le premier check-up, histoire de se familiariser avec le modèle. Elle aurait aimé que le pilote soit présent, mais il n'avait pas l'air d'être dans les parages. Tant pis pour lui.
L'Allemande était concentrée. Un homme pourrait être en train d'agoniser à côté d'elle qu'elle ne s'en rendrait même pas compte. Elle avait ses mots qui lui feraient reprendre ses esprits et elle connaissait le son de la sirène d'alerte en cas d'urgence. Elle était plutôt émerveillée de pouvoir à nouveau s'occuper d'un appareil du projet. Elle avait presque oublié que cet avion avait un propriétaire. Qui ne la connaissait probablement pas.
Qui pouvait sincèrement croire que chaque jour était différent ? Klaus, lui, ne connaissait pas grande monde capable de vivre avec des œillères aussi larges que celles-là. Chaque jour était unique en son genre, peut-être, mais la routine était là, tout le temps, tous les jours, pour celles et ceux qui avaient choisi d'embrasser une carrière non moins rigoureuse pour le projet EP. Aussi, n'y eut-il rien de surprenant à voir ce lieutenant de l'armée de l'air franchir les portes des hangars d'un pas lent, pour ne pas dire mesuré, armé d'une pomme fuji dans la main droite, et d'un sac en bandoulière flirtant à la gauche de son bassin, comme si de rien n'était; comme si tout était parfaitement normal et à sa place, comme tous les jours depuis quelques années déjà. Mais quelque chose n'était pas à sa place dans ce hangar ou tout du moins, Klaus ne reçut pas la nouvelle que quelque chose de nouveau venait bel et bien de prendre place dans son quotidien bien huilé. Quand cette chose, ou pour resté courtois cette personne, entra dans son champ de vision, Klaus en perdit toute volonté de mordre à nouveau dans le fruit délicieux qu'il tenait fermement dans sa main.
Il s'arrêta net et resta un long moment silencieux, noyé dans plusieurs mètres de songes. Comme pour se persuader qu'il n'était pas entrain de rêver, il jeta un coup d'oeil aux autres appareils, à droite, puis à gauche, en vain. Il ne rêvait pas. Il ne faisait même absolument aucun doute qu'une femme aux cheveux longs était penchée sur son jouet et lui remuait à cet instant même les intestins. Non, c'était impossible. On devait être entrain de lui faire une mauvaise blague. Sûrement une idée de sa bande de crétins attitrée. Klaus abandonna son sac sur le sol et s'approcha de l'intruse d'un pas feutré pour ne pas se faire entendre trop tôt et ménager son effet de surprise. Arrivé près d'elle, il se pencha par-dessus son épaule et observa ce qu'elle semblait observer, comme si au fond le reste n'avait pas vraiment d'importance, puis il croqua dans sa pomme.
▬ Ça t'arrive souvent de violer l'intimité des gens comme ça ?
La question était anodine. En apparence, tout du moins. Le regard bleuté du danois, lui, n'avait pas bougé d'un iota encore.
Elle se rappelait s'être dit que quelqu'un était derrière elle, et puis après s'être dit qu'il s'agissait sûrement d'un mécanicien plus gradé qui voulait juste vérifier, elle n'avait pas cherché plus loin.
C'est le bruit de la pomme qui la fit sursauter, mais elle eut le temps de poser ses mains de façon à ne pas se cogner sur l'appareil. Une réplique suivit et elle se tourna vers la personne qu'elle détailla rapidement. Pas très vieux, pas super jeune non plus. Blond. Un blond de plus chez les pilotes... A croire que c'était la norme à présent. Enfin, elle en avait déduit que c'était le pilote.
• Un jour, faudra pas s'étonner de retrouver un appareil endommagé avec des conneries du genre arriver par derrière sans un bruit...
Elle avait en effet une pince plate entre les mains. Il aurait suffi qu'elle lève le bras et qu'elle touche un composant de l'appareil pour le ruiner et lancer un rapport avec explications, schémas et photos. Mais en tout cas, il était du genre de ces pilotes qui considéraient leur avion comme plus qu'un simple outil de travail. C'était déjà une bonne chose. La mécanicienne essuya sa main droite sur sa combinaison et la tendit au jeune homme, comme il était d'usage.
•On m'a affectée à ton... votre appareil tout à l'heure, mais comme vous... tu n'étiais pas là, j'ai décidé de faire connaissance sans vous... toi... Aspirante Oberbefehl, enchantée.
Elle ne savait pas trop comment lui parler. Il y avait des gens qui inspiraient complètement le respect et d'autres qui semblaient laisser un brin de familiarité. Lui par contre, c'était impossible de savoir.
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