Du bon vieux repérage pour un entrainement en coopération avec l'armée de l'air, voilà de quoi réjouir intérieurement le Commandant Ashford. Il s'était levé aux aurores pour préparer le matériel et arriver en avance sur le terrain en attendant son collègue. Désormais, il n'avait pas grand chose à faire. Accroupi à l'orée du bois, il examinait la carte avec minutie pour tenter d'enregistrer tous les détails. Repérer les endroits où il pourrait se cacher ou au contraire ceux qui laissaient à découvert. Sachant qu'il travaillait avec un membre de l'armée de l'air, il ne savait pas encore si le message radio lui parviendrait des hauteurs du ciel ou de la terre. Surprise totale. Il attendit patiemment que la radio grésille...

Et ce fut un bus jaune ridiculement flashy qui amena les membres de l'armée de terre sur le terrain. Quelle idée de merde, ils avaient oublié le camouflage ? Wilhelm fronçait déjà les sourcils d'un air mauvais. James Holyway. Un bon élément qui avait été dans la promo de Wilhelm et Ralph à l'époque. Sans doute se souvenait-il mieux du parachutiste que du cavalier mais c'était logique. De par son grade, le Commandant Ashford devait connaître un minimum de noms, surtout parmi ceux qui étaient de la même année que lui. Et les autres ? Entraperçus au mieux. Sinon il ne s'en souvenait pas plus que ça. Il avait déjà vu la bonasse et l'homme-robot notamment grâce aux rumeurs qui circulaient sur eux, rien de plus. Il se redressa en les voyant arriver et avança à leur hauteur après avoir remis en ordre ses affaires de cavalier. Garde à vous, salut militaire, présentation impeccable, comme d'habitude. Il ne put s'empêcher cependant de soulever le manque de professionnalisme de l'escadron. Rabat-joie, comme d'habitude également.

"Commandant Ashford, deuxième régiment. Vous savez pourquoi vous êtes arrivés et pourquoi dans ce véhicule ? A vous."

Petite pause, histoire de s'assurer que tout le monde se connaisse et soit un minimum au courant de la situation. Évitons de les perdre en cours de route parce qu'ils pensaient aller cueillir des papillons dans les bois.

Le seul véhicule hein ? Bon, passons, ce n'était pas l'élément le plus important de cette rencontre ! Si le briefing n'avait pas été fait correctement, alors il était important de passer du temps dessus dès maintenant pour ne pas se faire surprendre par la suite. C'est face aux quatre têtes brûlées qu'il commença ses explications d'un air toujours aussi solennel.

"Vous avez été envoyé en repérage avec moi afin de noter précisément les atouts que présentent cette section en cas de guerre. J'ai avec moi le nécessaire afin d'avancer dans cette forêt sans risque mais seul un escadron de l'armée de l'air peut savoir ce dont un escadron de l'armée de l'air à besoin. Nous repérerons les zones pour les parachutistes et les différents postes où des espions pourraient se poser. Il faudra également noter les lieux où il serait possible de monter un camp. En clair, c'est un entrainement privilégié en situation réelle. Vu ? Il serait également plus correcte pour votre grade que vous décliniez votre matricule avant que nous partions."

Les ordres étaient donné, il avait sa radio et sa carte sur lui. Désormais, il ne lui restait plus qu'à attendre l'approbation des autres pour partir. Il avait déjà mis le cap sur l'itinéraire à suivre et tracé sur sa carte le trajet de l'entrainement. Il partirai sereinement au pas de course suivi de ses collègues.

Le commandant n'est pas très content de l'attention que les quatre membres de l'escadron lui portaient. Il n'était pas en colère, il n'était pas énervé ni cassant ; non, il était juste aussi snobe que l'habituel Commandant Ashford l'était. Il avait prévu de tourner les talons et de partir vers l'ouest mais finalement il restait planté là avec les autres à cause de leurs effronteries. Le regard froid mais le ton identique à la tirade précédente, il s'adressa au groupe en les fixant à tout de rôle tandis qu'ils ne semblaient répondre qu'aux ordres de l'agent Freedom. C'est donc à son attention qu'il prononça son reproche lourd de sens.

"Puisque vous semblez bien disposé à servir d'intermédiaire entre votre milice et moi, veuillez me décliner leur identité. Et dites leur d'écouter la totalité de de ce que je raconte la prochaine fois."

Pas de moquerie, pas chez le blond. Il n'y avait pas de critique et si l'agent Freedom se contentait du rôle d'intermédiaire alors Wilhelm lui déléguerait la responsabilité de faire circuler les ordres. Après tout, ça lui simplifierait la tâche de parler uniquement avec une personne. Mais si l'entrainement était compromis à cause de cela, ils entendraient parler de lui tous autant qu'ils étaient.

C'était l'hôpital qui se foutait de la charité et Wilhelm trouvait que les provocations de l'homme allaient bien au delà de ce que son grade pouvait lui permettre. Son regard de glace se fit d'acier et son ton plus tranchant qu'une lame aiguisée. Les choses auraient pu très bien se passer pour la suite mais il sentait déjà venir les problèmes d'insubordination. Il était le plus gradé ici, armée de l'air ou pas, ils lui devaient le respect. D'où osait-il parler de respect alors qu'ils avaient tous les quatre ignoré l'ordre de décliné leur identité la première fois qu'il avait été formulé ?

"Nous sommes d'accord et j'en suis ravi, Capitaine. Je saurai également me souvenir du grade des membres de votre escadron lorsqu'ils s'en montreront à la hauteur."

Pas de sourire, pas de cynisme mais un avertissement pur et simple de ce qui les attendait s'ils ne se tenaient pas à carreau à partir de maintenant. Ça marchait comme ça dans l'armée : le plus gradé donne les ordres et les autres obéissent sans discuter. Il n'avait jamais osé penser qu'il aurait à reprendre un Capitaine pour insubordination un jour ! Capitaine... Pour l'instant, il n'avait de capitaine que le titre et il ferait en sorte que ça se sache. Entre la défense d'un capitaine et l'accusation d'un commandant, on pouvait d'ores et déjà savoir lequel serait écouté. Et l'autre dégradé. Mais n'allons pas trop vite en besogne. C'était un avertissement, pas encore une sanction. Et il tourna les talons en prononçant bien fort le départ des troupes.

"En route. Nous marcherons vers l'ouest. Il est attendu que vous regardiez autour de vous afin de noter tous les endroits susceptibles d'être repérés depuis le ciel ainsi que les endroits conférant un camouflage total. Abris ou avant-postes, ces lieux doivent être tous répertoriés d'ici la fin de cette mission. Lorsque vous en repérez un, signalez le et nous ferons une halte afin d'en noter l'emplacement et les particularités. Vu ?"

Et si ce n'était pas le cas, il s'était gardé de dire qu'une seconde excursion serait organisée. Pas la peine de les décourager davantage, le plus important était de les garder concentrés pour la mission afin de la mener à terme. Devise n°1 du Commandant Ashford : l'échec n'est pas une éventualité. Pas la peine donc de l'évoquer.

Wilhelm se demandait si le capitaine se foutait de sa gueule ou s'il avait obtenu son grade dans une pochette surprise. En presque vingt ans de carrière il n'avait jamais été confronté à un gradé défiant autant son autorité. Et bien, il voulait jouer au plus malin ? Pas besoin d'être malin uniquement pour s'en sortir quand on avait un grade supérieur à l'autre. Et en plus il semblait avoir oublié le bracelet traducteur qui lui permettait de comprendre la totalité de ses propos peu importe la langue employée. Le Commandant s'était arrêté net et avait fait face de nouveau au Capitaine. Son expression n'avait pas empiré mais on sentait dans on regard qu'il ne se laisserait pas marcher sur les pieds.

"Halte ! Capitaine, je ne doute pas des compétences des membres de votre escadron pour le moment mais votre présence semble porter atteinte à la réussite de la mission. Cet ordre de mission vient du Colonel Hooper, oseriez vous prétendre connaître mieux que lui les besoins d'EP-1 ? Capitaine Freedom, vous disposez maintenant d'un blâme pour insubordination et décisions pouvant porter atteinte à la sécurité de la base à laquelle vous êtes assigné. Je vous mets également en arrêt pour une durée de 8 jours afin que vous puissiez réfléchir pleinement aux conséquences de vos actes. Vous repartez immédiatement en autobus jusqu'à la base, je poursuivrai la mission avec vos coéquipiers."

Le blâme, la plus grande punition qu'on pouvait faire à un gradé. En même temps, d'où se permettait-il de discuter un ordre de mission direct ? Surtout un ordre qui consistait à consolider les défenses de la base ! Un militaire était là pour obéir, pas pour donner son avis à moins qu'il ne lui soit demandé. L'arrêt serait peut être un bon moyen de lui remettre les idées en place. Pas de missions, pas de responsabilités. Pendant huit jours, il redeviendrait l'équivalent d'un soldat en formation. Il n'y avait pas de sentiment de victoire pour Wilhelm, il était grandement déçu d'en être réduit à blâmer un confrère. Mais il le faisait pour EP. Et qui sait, peut être la prochaine fois ils pourront travailler côte à côte sans accroc. Du moins, s'il comprenait les raisons du blâme.