Heko avait ramené la balle, mais comme Beal avait gentiment annoncé qu'il avait fini son affaire, Gabrielle garda la balle pour elle, au grand damn de l'animal.

Elle avait arrêté de parler du bébé, de peur de faire une gaffe et d'en dévoiler le sexe et attendait patiemment que Beal décide de la suite. Elle s'était attendue à le voir prendre sa valise et criait qu'ils devaient se dépêcher tout en passant déjà la porte, mais à la place, il s'installa dans un des fauteuils du salon. Discussion sérieuse en prévision. En le voyant se tourner vers Kaimana, Gabrielle prit une nouvelle gorgée de thé.

Elle hochait la tête pour approuver le Gouverneur mais manqua de s'étouffer en l'entendant annoncer de but en blanc leur relation. Elle s'était attendue à ce qu'ils soient en présence de Wrath. Mais elle continua à faire comme si de rien n'était. Elle sourit en retour à Kaimana, un peu gênée néanmoins, mais hochait de nouveau la tête avant de froncer les sourcils. Dans les médias ? Quel est le rapport...

Finalement, c'était à elle que Beal s'adressa à présent, elle tourna légèrement le regard, elle allait avoir ses réponses. Le Qatar. Elle savait à peu près où c'était. Elle voyait un peu la culture, mais sans plus. Mais pourquoi voulait-il l'emmener là-bas ? Il fallait que Beal soit accompagné. Et il n'a pas des dizaines de haut-gradés qui feraient aussi l'affaire, voire même mieux ? Elle hochait la tête pour dire qu'elle comprenait.

Soudain, son coeur s'arrêta. Ses yeux s'écarquillèrent. Avait-elle bien entendu cette ultime phrase ? Avait-elle bien compris tous les mots ?

Attends, attends, attends... me présenter... OFFICIELLEMENT... au MONDE ENTIER ?!

Elle avait encore du mal à assimiler. Elle se leva alors brusquement, sa tasse débordant et se déversant en partie sur ses mains.

Non mais... c'est... Non, c'est impossible, tu rigoles ! C'est vraiment pas drôle, Beal !

Elle posa le tout sur la table proche avant de fixer le Général. Elle cherchait une trace de rire dans son regard. Malheureusement, il avait l'air des plus sérieux.

Oh mon Dieu... Non, c'est pas possible, je vais jamais pouvoir y arriver. En plus, on a rien dit à Wrath, ni à Annie. On peut pas leur faire apprendre ça comme ça. Non et puis... Je ne sais même pas comment, quoi faire...

Autant Gabrielle pouvait être la personne la plus calme et la plus optimiste, mais là, c'était vraiment tout le contraire. Ses mains prirent sa tête. Elle paniquait.

Elle était perdue. Totalement perdue. Surtout très paniquée. C'était une visite officielle, elle n'avait pas le droit à l'erreur. Et si elle en faisait une ? Le Qatar n'était pas réputé pour beaucoup apprécier les erreurs de diplomatie. Comme la plupart des pays quand elle le pensait. Bref, c'était l'apocalypse dans sa tête et elle n'arrivait pas à se calmer.

Elle sentit une poigne sur ses bras. Nul doute que c'était Beal, elle n'avait même pas besoin de regarder pour le savoir. Elle entendait sa voix. Elle avait un peu de temps à capter son regard, mais elle y était parvenue. Son coeur avait du mal à ralentir le rythme, le brouillard dans son esprit ne se dissipait pas. Trop de Et si... venait l'assaillir.

"Pouve-le-moi dès maintenant" furent les mots qui la firent réagir. Elle cliqua un instant les yeux avant d'entrouvrir la bouche, sans qu'un son ne sorte. Finalement, elle reprit une respiration normale, un rythme cardiaque décent. Elle souffla un long moment avant de tenter de faire retomber ses bras le long de son corps, malgré la poigne de Beal.

D-Désolée... C'est juste que c'est... soudain...

Elle tourna la tête vers Kaimana qui avait assisté à tout ceci. Elle tenta un sourire, un petit, mais c'était mieux que rien.

Désolée que tu aies dû assister à ça... C'est une bonne idée ce dîner, mais en effet, ne promettons rien, on risque de vous oublier pendant deux heures avant de s'en rendre compte.

Du coin de l'oeil, elle observait Beal. Il savait très bien pourquoi elle disait ça.

Elle n'avait rien dit, parce qu'elle ne se voyait pas intervenir. C'était une discussion de couple et la seule chose, que la blonde pouvait faire, c'était finir sa tasse de thé. Kaimana la sirota tout en faisant oublier. Elle avait envie de dire à Gabrielle de ne pas se soucier de Wrath, qu'il n'avait plus 14 ans et donc plus l'âge de faire une crise d'adolescent mécontent, mais pour cela, il aurait fallu interrompre la discussion. La jeune femme leva les yeux vers le plafond. Elle trouverait bien une façon de faire passer ça. Quant au reste, elle décida de le mettre de côté.

— Je pense appeler un taxi, ce serait plus sage...

Et à peine, ces mots prononcés, elle chercha son sac du regard. Tout en posant sa tasse sur la table basse du salon, Kai se leva et marcha dans sa direction. Elle le souleva maladroitement puis en sortit son portable. Présentant ses excuses à Beal et Gabrielle, la blonde se glissa dehors pour passer son coup de fil. Mais une fois à l'extérieur, elle hésita à rentrer de nouveau. En même temps, elle ne pouvait pas filer comme ça.

Poussant doucement la porte, elle passa la tête et souffla.

— Au revoir !

Elle referma la porte puis l'attente commença, ça ne durerait pas longtemps de toute façon.

Kaimana partait. Après tout, il fallait bien qu'elle s'en aille un jour et que Beal et Gabrielle partent pour le Quatar. Gabrielle salua gentiment la jeune blonde. Elle pourrait revenir chercher les habits plus tard sans souci. La porte se referma et les deux quarantenaires se retrouvèrent seuls.

L'Irlandaise réalisa aux paroles de Beal qu'elle avait effectivement un peu de thé sur la main, de même que sur le sol. La rouquine soupira avant de se diriger vers la cuisine pour chercher de quoi essuyer le sol. Elle l'avait laissé à ses recherches dans le frigo et avait rapidement nettoyer sa saleté. Elle avait repris place dans le salon. Elle ne savait pas vraiment quoi faire. Même si elle était plus calme, elle était toujours aussi perdue, et des dizaines de questions tournoyaient encore dans sa tête.

Finalement, Beal était revenu. Vraisemblablement, il n'avait rien trouvé d'intéressant. Elle se dit qu'il faudrait un jour qu'elle l'habitue à manger des carottes ou une pomme quand il avait un peu faim. Elle était en train de se demander comment elle allait faire pour les chiens quand elle sentit sa main se poser sur son bras. Elle tourna la tête vers lui, intriguée. Qu'est-ce qu'il voulait cette fois-ci ? Une hésitation de la part du Gouverneur et voilà qu'il posait ses lèvres sur celle de la rouquine qui écarquilla les yeux. Elle ne s'y attendait pas vraiment à dire vrai. Certes, elle l'avait déjà embrassé (plus d'une fois), mais c'était toujours aussi étrange pour elle qui aille spontannément vers elle. Elle ne se rendait pas bien compte, certainement.

Mais elle n'allait pas râler, bien au contraire. Elle répondit tendrement au baiser tout en passant une main sur la joue du Gouverneur, la caressant délicatement. Il lui avait définitivement manqué quand il était parti faire son tour du monde. Puis, à contre-coeur, l'Irlandaise rompit le contact. Elle aurait eu envie de passer une soirée tranquille autour d'un bon repas mais ce n'était pas vraiment le cas.

... Je veux bien que tu partes en mission plus souvent si c'est comme ça !

Elle lui souriait tendrement. Elle souriait, mais elle avait encore quelque chose à lui demander. Peut-être que Beal n'aimerait pas, mais elle voulait encore une fois lui entendre dire.

Tu penses sincèrement que ma présence sera bénéfique au projet ?

Oui, elle était encore là-dessus, mais elle préférait rester ici plutôt que de ruiner les plans du Gouverneur.

La rouquine s'attendait à ce qu'il le prenne mal et qu'il devienne agressif. En même temps, elle venait de remettre en cause sa décision. Aussi elle ne dit rien lorsque sa voix se montra plus dure.

Gabrielle hocha la tête pour approuver. C'était ce qu'elle avait pensé dans un premier temps. Que s'il avait besoin de quelqu'un, il irait demander à ses gradées. Cela ne lui aurait certes pas vraiment plu mais elle aurait compris. Après tout, pour elle, le projet était bien la priorité principale de Beal, après venait Wrath, et puis peut-être pouvait-elle espérer être sur la troisième marche, et encore vu le temps qu'il passait en ce moment avant une partie de ses gradés.

Elle le laissa monter chercher sa valise. Elle avait presque oublié qu'elle l'avait laissée en haut quand elle avait dévalé les escaliers après sa petite phase d'espionnage. L'Irlandaise soupira avant de jeter un coup d'oeil à ses chiens. Heko et Jake ressentirent le stress de leur maîtresse et s'approchèrent tous les deux pour pousser les mains de la militaire du museau. Chacun la sienne. La rouquine retrouva un peu le sourire et leur administra à chacun quelques gratouilles.

Justement, la voix de Beal parla de leur devenir pendant leur absence. Gabrielle regarda ses deux compagnons un long moment. Ca lui fendait le coeur de les laisser comme ça.

Je doute qu'Annie puisse les garder dans sa chambre sur Ep-2 et je ne vais pas embêter Kaimana qui a besoin de repos et qui n'arrivera pas à gérer Heko, comme n'importe qui d'autre, donc je ne vois pas d'autres solutions que de les laisser là-haut, oui... D'ailleurs en parlant d'Annie, j'ai le droit de la prévenir que je m'absente ou bien elle devra le découvrir en revenant à la maison pour le week-end ?

Elle ne savait réellement pas si elle avait le droit de prévenir qu'elle partait. Du temps de Simon, c'était un peu à l'arrache aussi. Soit il avait un peu de temps, et il passait lui dire en personne, soit il lui envoyait un message rapide dans l'avion ou pire encore, il ne disait rien et s'était à elle de s'en rendre compte - généralement, il disait qu'il avait totalement oublié et quand il s'en rendait compte, il était trop tard.

Gabrielle fronça les sourcils. De quoi parlait-il ? L'Irlandaise poussa un long soupir. Il était vraiment incorrigible, ce n'était pas possible. Encore une fois, il ne comprenait que ce qu'il voulait bien entendre, même si c'était totalement différent de la réalité.

Je connais Annie, merci. Elle criait déjà sur tous les toits à l'époque que tu venais souvent manger à la maison alors tu penses bien que ça... Je parlais de lui dire simplement que je partais. Pour pas qu'elle rentre ce week-end et qu'elle trouve la maison vide... Mais elle peut aller chez Kaimana et Wrath si ça lui convient et si ça ne dérange ni Kaimana ni Wrath, oui.

La rouquine alla chercher dans un placard quelques affaires pour ses chiens, leurs jouets préférés. Elle les plaça dans un sac qu'elle referma.

Ah oui... Annie a encore onze ans, elle aura douze ans l'année prochaine, évite d'oublier.

Elle savait Beal peu doué pour les âges et les dates d'anniversaire. Elle se demandait même s'il connaissait son âge à elle, ainsi que sa date de naissance. Elle balança son sac sur l'épaule et siffla. Heko et Jake dressèrent en choeur les oreilles et la suivirent tandis qu'elle arrivait dans l'entrée pour rejoindre Beal.

On est prêts, c'est quand vous voulez, monsieur le Gouverneur.

Elle attrapait déjà sa valise avec son autre main, non sans hésitation. Elle n'était toujours pas calmée de l'annonce du militaire.

Gabrielle ne tenta même pas de résister à la prise en otage de sa valise. Elle avait pourtant essayé de lui faire discrètement passer le message qu'elle n'était pas en sucre et qu'elle pouvait très bien porter une valise toute seule, d'autant plus que c'était la sienne. Mais le sous-entendu marchait rarement avec Beal.

Elle s'arrêta net à sa réplique et tourna la tête vers lui. Elle le toisa de haut en bas avant de lever les yeux au ciel et de soupirer.

Tu as raté ta vocation, tu aurais dû faire du stand-up.

Elle suivit le gouverneur, un claquement de langue pour faire repartir les chiens. Elle passa à son tour la porte, la refermant derrière elle. Elle prit une profonde inspiration avant de se diriger vers la voiture. Son long périple allait commencer et elle n'était toujours pas rassurée.